Lire

Dans le sac de scapin

- A gauche, Gilles David (Argante) face à Benjamin Lavernhe (Scapin). Comédie-Française, 1, place Colette, Paris 1er,

La maison de Molière, théâtre royal par excellence, ne pouvait rendre plus bel hommage à son « patron » qu’en représenta­nt dans tous ses éclats Les Fourberies de Scapin, qu’elle négligeait depuis vingt ans. Et quel hommage! Jamais la Comédie-Française n’avait donné un Scapin aussi éblouissan­t. Boileau, qui disait n’avoir pas reconnu l’auteur du Misanthrop­e dans ce « sac ridicule » où Scapin s’enveloppe, battrait aujourd’hui sa coulpe : ce sac, qui ici n’a rien de ridicule, est une terrifiant­e machine dont Géronte sort contusionn­é, ensanglant­é, gémissant. Molière adorait les machinerie­s savantes et se serait réjoui de celleci, imaginée par le parfait metteur en scène Denis Podalydès et conçue par Eric Ruf.

Ces Fourberies de fête ne sont pas seulement une ébouriffan­te commedia dell’arte, elles sont aussi une allègre bastonnade assénée à l’Ancien Régime, où les valets rossent les vieux maîtres riches et avares, où les fils de bonne famille épousent des jeunes filles sans dot. La troupe du Français, pour faire honneur à Molière, est incomparab­le: depuis le stupéfiant Géronte de Didier Sandre jusqu’à la Zerbinette à damner tous les saints d’Adeline d’Hermy. Mais le miracle de la soirée, c’est le Scapin de Benjamin Lavernhe, jeune sociétaire jusqu’ici affecté aux seconds rôles, qui mène le jeu à un train d’enfer avec une grâce cruelle et pourtant irrésistib­le.

A proximité et pourtant si loin de la Comédie-Française, le Théâtre de Poche-Montparnas­se rend à son tour hommage à Molière avec son Amphitryon si rarement joué tant nos comédiens redoutent d’incarner des dieux. Comme Les Fourberies, le spectacle est directemen­t inspiré des comiques latins, et encore une fois, on assiste à un théâtre de machine. L’action se passe dans l’Olympe que la « charmante Nuit » traverse sur son char au milieu des nuages. Dans ce théâtre de Poche si bien nommé, point de machinerie effrayante et point de comédiens trépidants. Mais la jeune troupe est emportée par le souffle divin et emmenée par un épatant Sosie : le talentueux Nicolas Vaude qui, comme Benjamin Lavernhe au Français, joue le rôle que Molière se réservait.

Denis Podalydès, de Molière, mise en scène de de Molière, mise en scène de Stéphanie Tesson,

Newspapers in French

Newspapers from France