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Platon au carré

Deux livres nous éclairent sur les mythes et les interpréta­tions de l’oeuvre du grand philosophe grec.

- Luc BRISSON – Jean-Joël DUHOT Platon par

On l’oublie trop souvent, en plus d’être le véritable fondateur de la philosophi­e, Platon fut aussi un génie littéraire. C’est d’ailleurs l’une des nombreuses questions que traite avec clarté, comme tous les authentiqu­es savants, Luc Brisson dans son Platon. Il explique ainsi pourquoi l’auteur de La République a recours aux récits fictifs – les fameux mythes platonicie­ns – alors qu’il condamne sans appel la tragédie et la comédie pour des raisons éthiques et politiques. Le poète ou ses interprète­s, feignant des émotions qu’ils n’éprouvent pas, corrompent les citoyens en altérant leur caractère ; un peu comme aujourd’hui les jeux vidéo ou les divertisse­ments de masse détournent leurs adeptes de la réalité du monde dans lequel ils ont à vivre. Il peut cependant, sous certaines conditions, être utile d’user de la fiction ou de la rhétorique pour exhorter les hommes à penser. Dans cette remarquabl­e introducti­on à Platon, Brisson fait aussi le point sur des questions factuelles : a- t- il été vendu comme esclave? La réponse est non. Et ses amours ? Rien de bien certain sur ce plan. A-t-il réellement plagié Pythagore ? Il s’agit d’une accusation malveillan­te. L’auteur aborde avec un même bonheur d’autres sujets fon - damentaux : existe- t- il des valeurs immuables et éternelles ? Platon est-il l’ancêtre du tota - litarisme? Est-il un contempteu­r du monde sensible? Qu’estce que l’âme? etc. A toutes ces interro - gations, Brisson propose à ses lecteurs les réponses nuan- cées qu’il a pu tirer d’une vie passée à lire, à traduire et à commenter Platon.

Parmi les problémati­ques abordées dans cet ouvrage, l’une d’entre elles est l’objet du livre de Jean- Joël Duhot, enseignant-chercheur émérite à l’université de Lyon-III et ancien musicien profession­nel : Platon a- t- il professé une doctrine secrète réservée aux membres initiés de l’Académie? Pour Brisson, la question est, sinon tranchée, du moins mal posée. Le philosophe n’était pas un penseur systématiq­ue et l’idée d’une doctrine non écrite destinée aux seuls académicie­ns s’origine dans une constructi­on idéologiqu­e après coup. Elle « n’a aucune vraisembla­nce historique » . Dans L’Enigme platonicie­nne, Duhot relève le gant à la suite d’un riche parcours de réflexions fondé sur l’analyse d’un passage pour le moins énigmatiqu­e du Timée – dialogue dans lequel Platon élabore une cosmogonie et les linéaments d’une physique –, qui, en postulant la « mathématic­ité du mon— de » , préfigure la physique mathématiq­ue moderne. Ce modèle mathématiq­ue et musical contiendra­it la clé du « cycle éléatique » ( Parménide, Théétète, Sophiste et Politique). Aussi, la doctrine secrète ne serait pas à chercher ailleurs que dans les Dialogues à condition d’en connaître le code que Jean-Joël Duhot pense avoir découvert. La doctrine secrète serait donc une doctrine cryptée…

Jean Montenot

Luc Brisson,

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