Comme sur un plateau
l est facile d’honorer un monstre du patrimoine à l’affiche de la Comédie-française. Il est tout aussi aisé de défendre un dramaturge étranger, à l’univers radical, programmé au Théâtre de la Colline. Mais il paraît moins convenable d’avouer sa sympathie pour un auteur contemporain de pièces comiques, destinées au grand public, qui remplissent les salles de boulevard – peut-être parce que nombre des spectacles qui y sont proposés se révèlent, souvent, un peu faiblards… Aussi, parmi les personnalités les plus intéressantes du genre ( on pourrait citer Alexis Michalik, Sébastien Thiéry ou Sébastien Azzopardi), il convient de s’attarder sur le cas Patrick Haudecoeur.
L’auteur-comédien-metteur en scène peut se targuer d’avoir trois immenses succès à son palmarès (avec quelques Molières à la clé !) : Frou-Frou les Bains, La Valse des pingouins et Thé à la menthe ou t’es citron ? Pour ceux qui ont apprécié son univers, on ne peut dès lors que recommander Silence, on tourne ! – pièce qu’il a écrite en collaboration avec le stakhanoviste Gérald Sibleyras. Les spectateurs se retrouvent ici figurants du tournage d’un film intitulé Une étoile est morte – au flair, pas franchement un chef-d’oeuvre –, dont le plateau serait le théâtre. Dès le début, Baptistin, l’assistant (formidablement campé par Haudecoeur), explique la situation au public au moment où doit être tournée une scène-clé de meurtre passionnel. Et ce qui ne devait être qu’une formalité sera plus compliqué, entre un metteur en scène cocufié, une actrice ambitieuse, un comédien qu’on ne remarque pas, une maquilleuse ne parlant pas français, un producteur joueur de poker malheureux – sans oublier Baptistin qui rêve de tourner son premier film, et l’intervention active du public.
On pourrait se focaliser sur des facilités d’écriture (notamment dans les dialogues), des personnages caricaturaux et des rebondissements trop faciles. Mais même si on sourit beaucoup plus qu’on ne rit, l’ensemble est indéniablement rythmé, enlevé, et fuit toute vulgarité. Surtout, la pièce offre dans son dernier tiers un quart d’heure de folie pure, absolument hilarant, jusqu’à sa chute (au sens strict comme au figuré) malicieuse. Alors, moteur !
et Gérald Sibleyras, de Patrick Haudecoeur