Praline de Montargis et blanquettes de grandes toques
« ne ambition épicurienne et culturelle ! » Assurément, François-Régis Gaudry ne choisit pas les termes les plus modestes pour définir les contours de son nouveau livre On va déguster la France. Mais pourquoi ferait-il profil bas pour nous faire un inventaire éclectique de ce qui est beau et bon dans la cuisine hexagonale ? Surtout quand la voix charmeuse de France Inter ose débuter son encyclopédie vagabonde par le cornichon. Avec une telle initiative, on lui ouvre les portes de la bonne humeur, car ce copain de la sauce gribiche, ce compagnon des meilleures terrines et sandwiches de qualité mérite le fauteuil de premier de la classe. Ensuite, tout est permis : la nostalgie avec la praline de Montargis, la Praluline de Roanne ou la tarte d’Alain Chapel ; les fondamentaux avec les filets de hareng pommes à l’huile ou le pot-au-feu. Un tour de France des oignons, une histoire de cardons, un salut respectueux à Pierre Gagnaire ou Michel Bras, et c’est l’heure d’ouvrir une excellente boîte de sardines. Ce livre est un maelström de conseils, d’histoires, de références, de balades au pays de la tradition, de l’insolence et de l’inattendu. On découvre pas moins de quatre blanquettes de grandes toques, un tour de France des meilleurs pains et les nouvelles tendances de bières des champs et des villes. Passant du miel à la saucisse et de la côte de boeuf à la quenelle, le lecteur se dit qu’il faut y aller tout doux, piocher dans ce cabinet de curiosités et s’arrêter sur une page pour la savourer, entre la poire et le fromage, une année durant.
Michel Sarran est, quant à lui, un cuisinier voyageur insatiablement curieux. Le beau livre qui lui est consacré parle moins de recettes que d’expériences et d’aventures gustatives. Quand le chef étoilé unit le foie gras et l’iode, mariant terre et mer, il nous rappelle que la technique n’est qu’un outil. Photos, dessins et strates lyriques viennent aussi nourrir l’imaginaire paysan, revisité par un savoir-faire d’un exotisme inattendu. Sa manière de « dessiner » un plat, de transformer un haricot tarbais en émulsion puissante ou d’évoquer la rencontre du petit pois frais, des quartiers de fraise et des feuilles de menthe, sont autant de respirations poétiques. Seul regret, le choix du papier rouge qui rend la belle prose de ces Itinéraires de goûts difficile à déchiffrer.
François-Régis Gaudry, Michel Sarran