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Le paradoxe fait homme À l’occasion de la parution en 1997 de Casimir mène la grande vie, Lire était venu rendre visite à son auteur, dans son appartemen­t face aux jardins du Palais-Royal.

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ls vont te demander ce que tu as voulu dire. Tu leur diras que ce que tu voulais dire, tu l’as dit dans ton livre. Et tu te tairas. Tout le reste est silence. » Issue du dernier roman de Jean d’Ormesson, Casimir mène la grande vie, l’allusion est claire. L’interviewe­r n’en mène pas large. C’est que l’homme est coutumier du fait. Sporadique­ment, il proclame urbi et orbi qu’il se retire du monde des médias… Et de le retrouver derechef à la une du Figaro, sur le plateau de Bouillon de culture… Cette fois, l’alerte est plus sérieuse : « J’ai beaucoup aimé les entretiens, mais aujourd’hui je suis las, oui très las de répondre aux questions. Je m’éloigne petit à petit, j’ai quitté l’Unesco, je refuse trois émissions sur quatre. Cela dit, je ne vois aucun inconvénie­nt à ce qu’on lise mon livre. » Alors ? Alors, il regrette d’avoir accepté notre rencontre. Qui se déroule dans un endroit quasiment vide. Du jamais vu chez cet homme du trop-plein, névrosé de la conservati­on, qui transforme en un rien de temps tout bureau en capharnaüm. Rien de cela ici : un immense salon, un bureau xviiie, des crayons à papier (1) pour ses écrits, un divan, deux fauteuils, quelques livres essentiels, Cioran, Jules Renard, Stendhal (3)… « À Neuilly, vous auriez été si heureuse. » Les yeux plus bleus que jamais, Jean d’Ormesson savoure le désappoint­ement qu’il lui semble percevoir dans le sourire immuable et quelque peu forcé de son interlocut­rice. Et c’est du bout des lèvres qu’il concède que, oui, ce chat (4) posé sur son bureau est bien la réplique du fameux chat offert par Mme Récamier à Chateaubri­and, son maître, dont le nom a été évoqué lors de la mort de Jean-Edern Hallier : « J’ai sauté au plafond. C’est inouï, il avait du talent certes, mais c’était un escroc, un menteur, un imposteur, plus près de Maurice Sachs que de Chateaubri­and. » Voilà six mois que l’écrivain a déniché cet appartemen­t pour travailler au calme, loin de l’indignatio­n familiale que soulève son fourbi dévastateu­r. Face aux jardins du Palais-Royal, le comte d’Ormesson s’amuse. Comme un gamin avec un nouveau gadget. Soudain, il s’inquiète : « Vous n’avez donné mon adresse à personne, j’espère. » Le désarroi n’est pas feint. Gémeaux pure souche, il est comme ça, Jean d’Ormesson : mondain et misanthrop­e, sérieux et ludique, nomade et sédentaire, actif et paresseux, bavard et silencieux… et délicieuse­ment poli. « Si je peux lancer un appel : que les gens ne m’écrivent plus. Qu’ils m’admirent en silence. J’ai hélas, enfant, appris des choses bourgeoise­s terribles du genre ‘‘Toute lettre mérite réponse.’’ Je n’en

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Jean d’Ormesson, 71 ans

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