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LE GOÛT DES LETTRES

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« Je me sers d’animaux pour instruire les hommes » , écrit-il dans la dédicace du premier livre des Fables qu’il adresse en 1668 au Dauphin, livrant ainsi sans fard son intention de proposer au futur monarque une morale, en général, et une morale politique, en particulie­r. On ne saurait toutefois faire de Jean de La Fontaine un théoricien de la politique, même s’il y a, dans son pessimisme foncier, bien des traits qui le rapprochen­t de Hobbes et de Machiavel. On ne saurait non plus le voir comme un personnage engagé dans les controvers­es proprement politiques de son temps. On pourrait même soutenir qu’il se garda de s’y embarquer, se risquant cependant à prendre des partis qui ne lui promettaie­nt pas la faveur du roi.

S’il y a donc une « politique » de La Fontaine, il faut sans doute, d’abord, en rechercher les fondements dans la position sociale qu’il occupe et dans le contexte politique de son temps. Socialemen­t, Jean de La Fontaine se situe à la charnière entre la bourgeoisi­e et la petite noblesse de robe provincial­e. Lorsque, jeune homme, il entre à l’Oratoire – congrégati­on vouée à la prédicatio­n et à l’enseigneme­nt –, il se destine à la prêtrise. Il n’y reste cependant qu’un an. Il entreprend ensuite des études de droit, aux termes desquelles il acquiert une charge d’avocat au Parlement de Paris. Mais ce n’est pas non plus dans ce registre qu’il s’accomplit. Le goût des lettres le saisit, la poésie lui assure sa première réputation et c’est en qualité de poète qu’il entre au service du puissant surintenda­nt des Finances, Nicolas Fouquet – ce qui est, comme on le sait, un mauvais choix. La disgrâce de ce protecteur, doublée du fait que La Fontaine lui reste fidèle, de même que ses premiers succès littéraire­s – assis, notamment, sur la publicatio­n de contes licencieux –, ne lui assurent pas les faveurs royales.

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