Contes modernes
avid B. a toujours été un bon conteur, surtout quand il se met à parler de lui ou, plutôt, de ceux qui lui sont proches – dans tous les sens de cette proximité, souvent cauchemardesque ( L’Ascension du Haut Mal). Il est de cette secrète confrérie qui, lorsque le pont est franchi, voit les fantômes venir à sa rencontre. Dans le deuxième volet du Journal d’Italie, sorti huit ans après le tome 1, le premier dépaysement est de se retrouver à Hongkong ou Osaka, ce qui est une acception assez large de la notion d’Italie… Le second est de n’entendre parler – ou de ne voir – que des revenants, au gré de courts voyages où le goût de l’artiste pour cette marginalité obscure conduit ses interlocuteurs chinois puis japonais à de troublantes confidences. Dans cette version revisitée des recueils de contes fantastiques du
siècle, où les dieux sont brandis au coin des rues « pour empêcher les fantômes de sortir » , les spectres des traditions du dao ou du shinto, généralement maléfiques, se retrouvent donc dans les centres commerciaux et les systèmes de climatisation, le grand banditisme ou, plus surprenant encore, les souvenirs de la Révolution culturelle. La magie noire des lieux contemporains opère : l’hypermoderne et frénétique Hongkong peut se payer le luxe d’une ancienne caserne de police abandonnée, entourée de barbelés et livrée aux spectres. Ainsi, ces métropoles japonaises d’apparence aseptisée abritent en leur sein une « sous-ville » de carton et de papier, où David B., en observateur professionnel, aperçoit même un SDF qui, avant de se coucher, « lit son lit » – oui, vous avez bien lu… Bref, comme le reconnaît son interprète japonaise, nous vivons dans un monde où les fantômes sont, en effet, comme les gangsters : « On ne les voit pas, on n’en parle pas, mais ils existent. » Pascal Ory