Trompe- l’oeil
Ruses et mystifications, les grands recours de l’espèce animale quand sa survie est en jeu.
Des papillons qui ont l’air de feuilles mortes, des insectes qui imitent des brindilles, des mantes déguisées en orchidées : la nature est pleine d’êtres qui trichent et truquent pour survivre et se multiplier. Martin Stevens, professeur à l’université d’Exeter en Angleterre, spécialiste des stratégies comportementales des animaux et des végétaux, vient de publier un document passionnant, Les Ruses de la nature, qui passe en revue la plupart des tactiques trompeuses pratiquées à grande échelle dans le monde vivant.
Commençons par les bêtes occupées à capturer des proies ou à voler la nourriture des autres. Pour échapper à leurs prédateurs, bien des espèces ont inventé des cris d’alerte permettant au groupe de fuir à temps. Mais les chasseurs, malins, ont mis au point de faux signaux d’alarme afin de voler le repas des chassés. Le drongo brillant, un oiseau du Kalahari, y trouve ainsi le quart de son régime. Côté poissons, les blennies à bandes bleues se font passer pour des nettoyeurs de peau et en profitent pour arracher un gros morceau de chair au lieu d’éliminer les parasites.
Pour gagner, tous les moyens sont bons. Changer de couleur, diffuser des odeurs insidieuses, émettre des lumières et même des sons. Ainsi, la chevêche des terriers sait siffler comme un serpent à sonnette. Mais les proies savent aussi perturber leurs adversaires. Le lièvre d’Amérique devient blanc en hiver pour se confondre avec la neige. Certains changent en un clin d’oeil, comme le fameux caméléon. D’autres profitent des mues pour se transformer progressivement. Le peintre et savant anglais Abbott Thayer, expert en camouflage, a inspiré toutes les armées du monde pour leurs uniformes tachetés de vert et de brun. Certains chassés encore retardent le chasseur en gigotant dans tous les sens, ou en feignant une blessure avant de s’enfuir à toute vitesse.
Aussi, les plus grandes mystifications sont mises en oeuvre pour mieux assurer la reproduction. Comme l’oiseau jardinier à nuque rose qui construit un théâtre, dont les cailloux le font paraître plus gros. Pour séduire les femelles les plus attirantes !
Françoise Monier
Martin Stevens,