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Antonythas­an Jesuthasan, loin des Tigres

Réfugié en France pour fuir les guerres civiles de son pays, l’acteur tamoul couche sur le papier ses souvenirs et détaille la nouvelle vie qui s’est alors offerte à lui, à Paris.

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Son nom ne vous dit peut-être rien mais son visage, vous l’avez certaineme­nt vu dans le magnifique Dheepan de Jacques Audiard. Dans ce film, Palme d’or à Cannes en 2015, Antonythas­an Jesuthasan joue un ancien soldat des Tigres tamouls, exilé en France. Un rôle semi-autobiogra­phique pour l’acteur, né au Sri Lanka, en 1967. Très jeune, il a rejoint les rangs du mouvement indépendan­tiste réclamant un État tamoul, dans le nord-est de l’île. Quand il décide de fuir l’organisati­on, désillusio­nné, il se réfugie en Asie du Sud-Est puis arrive en France en 1993 où il obtient l’asile politique. À Sevran, il fait des petits boulots, puis commence à écrire sous le nom de Shobasakht­i. Son oeuvre – des nouvelles, des romans, des essais, des pièces de théâtre et des scénarios – est en partie traduite en anglais. Parallèlem­ent, il fait ses premiers pas d’acteur en 2011 dans le film tamoul, Sengadal.

Friday et Friday est son premier livre traduit en français. Ce recueil de nouvelles nous emmène du Sri Lanka de sa jeunesse, marqué par la guerre civile, à son quotidien dans la banlieue parisienne, en passant par les quartiers chauds de Colombo, Bangkok et Amsterdam. Jesuthasan y raconte le retour au pays pour enterrer son père, la peur permanente d’être retrouvé par les Tigres, ses relations avec les prostituée­s, les déboires des militants et les astuces pour gagner un visa pour l’Europe. Dans chaque histoire, on sent le goût de l’écrivain pour l’ironie de la vie et un talent – une douceur même – pour dépeindre les vies méconnues des exilés tamouls.Ainsi, Layla nous entraîne en Seine-Saint-Denis auprès d’une ancienne militante indépendan­tiste et Friday, dans le quartier tamoul de la Chapelle, dans le nord de Paris. Ravis, on pénètre au coeur de cette communauté. Et quand l’histoire, en cours d’adaptation cinématogr­aphique, prend le tour d’une sublime réflexion sur le pouvoir de la littératur­e, on ressent la joie immense d’avoir découvert une voix rare et précieuse.

Gladys Marivat

HHHHI Friday et Friday par Antonythas­an Jesuthasan, traduit du tamoul (Sri Lanka) par Faustine Imbert-Vier, Mohamed Farhan Abdelwahab et Elisabeth Sethupathy, 160 p., Zulma, 16,50 E. En librairie le 5 avril.

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