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Une partie de campagne(s)

Deux romans et un court livre illustré nous plongent dans les espaces de notre France rurale, à travers les lignes du temps.

- Antoine LAURAIN - Vincent RAVALEC - Géraldine KOSIAK

L’herbe est toujours plus verte ailleurs, c’est bien connu. Surtout quand elle jouxte des vignes, comme à Chamarllyl­es- Vignes, petit village ( fictif) du Beaujolais, où un homme a aperçu une soucoupe volante, le 16 septembre 1954. Le soir même, il décide de boire la bouteille de Château Saint- Antoine qu’il avait mise de côté. Une cuvée exceptionn­elle, dont il ne restera bientôt plus qu’une seule bouteille, que trois voisins vont déguster… en 2017, dans un bar parisien : Magalie, restauratr­ice d’objets anciens, Hubert, président du syndic de l’immeuble, Julien, barman et arrière- petit- fils de « l’homme à la soucoupe », accompagné­s par un touriste américain de passage. Le lendemain matin, rien n’est tout à fait pareil. Des pavés ont remplacé le bitume, les arrêts de bus sont de simples poteaux, vitriers, bouchers et cafetiers parlent avec gouaille, Jacques Prévert croise Marcel Aymé. Le touriste est aux anges : « Paris était exactement comme il l’avait imaginé. » Hubert croise même son propre ancêtre, qui lui parle d’un trésor dans une galerie souterrain­e. Comme dans Le Chapeau de Mitterrand ( 2012), une loufoqueri­e sert de fil rouge au septième roman d’Antoine Laurain, et ce Millésime 54 est un voyage hors les murs qui plonge les protagonis­tes dans une virée au passé. Une fable acidulée aux antipodes du « c’était mieux avant ».

POLAR CAMPAGNARD

Campagne française toujours, avec le nouveau et réjouissan­t Vincent Ravalec. À Sainte-Croixles- Vaches, on vit hors du temps. C’est la France rurale abandonnée par les services publics, et le maire gère ce hameau comme un parrain local, cultivant sa « beuh bio » , escroquant et redistribu­ant les subvention­s. Mais ailleurs, tout a changé avec la victoire d’un nouveau parti, En Avant ! qui envoie deux jeunes femmes en campagne législativ­e. La mission : désenclave­r le village, établir un « laboratoir­e rural » modèle. Clins d’oeil, zizanie, quiproquos et rebondisse­ments : Sainte- Croix- les- Vaches est un polar campagnard qui se paye les néoruraux avec finesse et sans clichés. Opposant sa propre gouaille littéraire aux éléments de langage des politiques, Ravalec y compose aussi une farce d’actualité sur la permacultu­re, l’urbanisati­on forcée, et l’âme de la terre.

ANAPHORES RURALES

C’est cette même âme que sonde la dessinatri­ce et écrivaine Géraldine Kosiak dans Chez nous. En cent pages et trois cent quarante-cinq micro- paragraphe­s commençant par ces deux mots « Chez nous », elle projette des flashes d’une histoire personnell­e, familiale, paysanne et sociale. Proposant un face- à- face entre hier et aujourd’hui, urbain et rural, entre nous et… nous. Des anaphores poétiques, aussi intimes qu’universell­es, qui sont une ode à tout ce qui fait le langage, la terre, la vie. La littératur­e.

Hubert Artus

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HHHHI Sainte-Croix-lesVaches, par Vincent Ravalec, 270 p., Fayard, 18 E
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HHHII Millésime 54 par Antoine Laurain, 224 p., Flammarion, 18 E
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HHHII Chez nous par Géraldine Kosiak, 96 p., Grasset, 10 E

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