Les lumières de la ville
Les déambulations parisiennes d’une jeune survivante du 13 novembre 2015, en quête de figurants et d’un visage espéré.
Si Hubert Haddad occupe une position tellement singulière dans notre littérature, c’est qu’il a connu plusieurs vies avant d’être écrivain : éducateur de rue, ouvrier ou encore forain. Fort d’une cinquantaine d’ouvrages, il compose une oeuvre qui doit au roman-monde (Palestine, Japon, Inde, Amérique) autant qu’à la géométrie des rêves (pour paraphraser l’un de ses propres titres). Casting sauvage est un hommage à Paris, à la suite des attentats de novembre 2015. On y déambule avec Damya, une ancienne danseuse qui, blessée ce soir-là, en a gardé des séquelles. Désormais, elle marche en boitant. Elle parcourt la ville pour les besoins d’un film, inspiré de La Douleur de Marguerite Duras, sur les déportés de retour après la guerre. Il lui faut donc trouver de nombreux figurants. Pour les dénicher, elle arpente les quartiers plutôt populaires de la capitale, ou les bords de Seine et de canal, voire les quais et les halls de gare. Son casting nous offre des portraits marquants – comme celui de Matheo Lothar, le sculpteur alcoolique vivant sur sa péniche du quai de la Tournelle –, et des rencontres dangereuses – un islamiste surveillé par la police. Mais sa quête en cache une autre : celle d’un homme croisé sur les terrasses, ce fameux 13 novembre. « Et de ce ruissellement, beau cristal en éclats, recréons la mémoire et la ville en dansant » , écrit Haddad, composant une ode à l’art comme instrument ultime de résilience et de mémoire pour réécrire la vi( ll) e. Émouvant, possédé et lumineux.
Hubert Artus