Vies en chantier
Déconstruire et reconstruire les motivations humaines et le genre romanesque, voilà l’enjeu de ce brillant roman, deuxième volet d’une trilogie commencée avec Disent- ils.
En France, on a découvert Rachel Cusk en 2007 avec Arlington Park, roman woolfien qui nous plonge durant vingt-quatre heures dans les pensées de quelques femmes d’une banlieue chic, en Angleterre. En 2016, la parution de Disent-ils rompt avec cette veine. Dans cette fiction novatrice, l’écrivaine britannique ne se soucie plus de décrire l’histoire et la psychologie de ses personnages : sa narratrice – une romancière dont on découvre le nom, Faye, au hasard d’un coup de fil – s’efface derrière les gens qui lui font le récit de leur vie.
Si, dans ce premier volet, le mariage est le sujet des interlocuteurs que Faye croise à Athènes, lors d’un atelier d’écriture, les microfictions de Transit tournent autour d’une question : peut-on vraiment prendre un nouveau départ ? La thématique ne doit rien au hasard. Tout est en chantier dans la vie de Faye qui vient de divorcer et d’acheter à Londres un logement qui nécessite d’importants travaux. Alors que ses fils sont partis chez leur père, elle sort et elle écoute : un ex qui s’est remarié et qui n’existe qu’à travers son enfant, son coiffeur qui a délaissé sa bande d’amis fêtards pour un quotidien sain et solitaire, des femmes corsetées dans leur rôle de mère, ou encore son cousin qui l’invite à un dîner dans sa luxueuse maison de campagne et révèle les failles de son remariage.
Ces récits de vie, livrés sans fard, dessinent le portrait en creux de Faye. À travers ce choeur et cette héroïne qui lui ressemble, Cusk signe un tableau saisissant de la condition humaine contemporaine. Gladys Marivat