En avoir ou pas
Un journaliste et un sociologue s’interrogent, dans leurs ouvrages respectifs, sur le rapport compliqué des hommes à leur virilité.
C’est un fait : la tradition virile des deux derniers millénaires est en train de vaciller. Les guerres du xxe siècle, la lutte pour l’émancipation féminine dans les années 1970 et, plus récemment, la bombe Harvey Weinstein ont porté de solides coups de canif à cette masculinité archaïque. Deux ouvrages brillants évoquent la difficulté pour les hommes à trouver leur place dans ce nouveau monde et la nécessaire mutation de leur identité virile.
Le premier est un assemblage intelligent de témoignages d’hommes inconnus et de professionnels habitués à recueillir la parole masculine, à savoir un sexothérapeute, un andrologue et un anthropologue. Sous-titré « Les confidences du pénis », Mâles d’hier, hommes d’aujourd’hui, du journaliste Ismaël Khelifa ( avec la complicité de Fabrice Gardel), est un essai particulièrement vivant dans lequel des témoins hétérosexuels ouvrent leur coeur, pour évoquer leur rapport à la virilité dans tous les domaines : au lit, au travail, dans leur couple, sur un terrain de sport ou encore devant un film porno. Leurs déclarations, à la fois sincères et touchantes, montrent bien la difficulté des hommes à répondre aux demandes des femmes, qui veulent à la fois un compagnon attentif et un amant ardent, un partenaire de tâches domestiques comme une épaule sur laquelle se reposer.
CES FEMMES QUI FONT PEUR
Le second ouvrage ressemble plus à un cri du coeur. Celui poussé par Raphaël Liogier – sociologue et philosophe – pour que les hommes cessent de se conduire en oppresseurs à l’égard des femmes. Dans Descente au coeur du mâle, l’auteur retrace avec brio l’histoire de la domination masculine, avec la même verve que Benoîte Groult en son temps dans son essai Ainsi soitelle. Reprenant notamment la thèse de Françoise Héritier, le philosophe explique cet asservissement très simplement : la peur de la gent masculine d’être niée, engloutie, effacée par le pouvoir féminin. « Les hommes ont réduit physiquement et symboliquement les femmes pour pouvoir les exclure de la compétition sociale. Ils n’ont pas voulu l’égalité par peur de se mesurer et d’être dépassés par la puissance de l’autre sexe. » Vouloir effacer cette histoire commune n’est pas souhaitable, assure Raphaël Liogier. Mais il est grand temps de pouvoir, a minima, s’en distancier.