Isabelle CARRÉ Grand Prix / 2018
« Je voulais faire du passé un élément présent et modifiable »
Pour écrire Les Rêveurs (Grasset), Isabelle Carré s’est replongée dans ses carnets intimes de jeunesse [voir chronique de Josyane Savigneau dans notre numéro de février]. Pour autant, la lauréate du Grand Prix RTL-Lire 2018 réfute toute volonté psychanalytique. Entretien.
Depuis quand la casquette d’écrivain était-elle cachée dans votre penderie ?
> Isabelle Carré. Je n’arrive toujours pas à considérer que je suis un écrivain, mais ce désir d’écrire revenait de façon fortement récurrente : l’histoire des Rêveurs est dans ma tête depuis vingt ans. Certains chapitres, comme « Pantin », datent d’une dizaine d’années. Plus jeune, j’ai passé une journée en fac de lettres à la Sorbonne, mais je ressentais quelque chose de l’ordre de la claustrophobie dans l’institution « école ». Bien plus tard, après la première session d’un atelier avec Philippe Djian chez Gallimard, je me suis lancée seule dans l’écriture. Comment avez- vous été éditée chez Grasset ? > I.C. Une fois ce manuscrit achevé, je l’ai classé, mais je n’arrêtais pas de le ressortir et de rajouter des choses inutiles. Puis je l’ai fait lire à ma meilleure amie, Irène Jacob, et à Michel Spinosa. Il m’a interdit de le ranger. La rencontre avec l’éditrice Juliette Joste a été déterminante pour appuyer sur le bouton « publication ». J’avais très peur qu’on modifie le texte, mais ce ne fut pas du tout le cas. Elle m’a simplement accompagnée pour retirer certaines « verrues » du texte.
Quelle est la part d’autobiographie
dans Les Rêveurs ? > I. C. Ce livre n’est absolument pas le fruit d’une démarche psychanalytique. Je ne souhaitais pas verser dans quelque chose de trop proche de la vérité. J’avais envie d’une histoire comportant des points d’ancrage autobiographiques, mais je voulais faire du passé un élément présent et modifiable. Les lecteurs ont posé sur ce livre un oeil bienveillant, cela m’a beaucoup touchée. Aujourd’hui, j’ai incroyablement hâte de recréer cet espace de liberté que génère l’écriture.
Propos recueillis par Charlotte Barbaza