Mais où est donc Guernica ?
Jusqu’au 29 juillet, le musée Picasso consacre une exposition à l’oeuvre la plus emblématique de l’art moderne, celle sans doute qui domine le siècle par sa valeur mythique : Guernica (1937). Conservée de façon permanente depuis 1992 à Madrid, celle-ci ne peut – hélas ! – faire partie de l’exposition. On en regrettera l’absence durant toute la visite, d’autant que nous sont présentées des « réécritures de grand format réalisées pardes artistes contemporains ». « Revisiter » une oeuvre, comme on dit, est devenu un procédé et une mode. Ces pastiches, qui sont des engagements à bon compte, déçoivent.
Heureusement, il y a le reste. Non pas la partie documentaire qui, pour intéressante qu’elle soit, a trop de poids dans l’exposition, avec ses affiches et ses coupures de presse sur la guerre civile espagnole, mais celle relative au travail préparatoire de Guernica, à ses esquisses et aux anticipations de l’oeuvre disséminées dans les corridas et les Minotaures des années 1930. Devant ces dessins au crayon ou à l’encre, ces gravures et ces toiles, devant la liberté de l’entremêlement des formes dans ces combats d’arènes, devant ces variations sur la brutalité, l’innocence, la tendresse, la douleur, l’effroi et la mort, devant ces calvaires sans croix et ces modernes « mater dolorosa » , devant les différents états de l’oeuvre, photographiés par Dora Maar, le visiteur qui espérait voir Guernica se trouve enfin comblé.
Aussi emportera-t-il le catalogue pour suivre à nouveau l’invention enthousiasmante de ces formes qui vont bien au-delà de la dénonciation politique du bombardement de la petite ville basque, et qui sont l’une des plus puissantes accusations métaphysiques du monde que connaisse la peinture. HHHHI Guernica, sous la direction d’Émile Bouvard et Géraldine Mercier, 320 p., Gallimard/Musée national Picasso-Paris, 42 E