J’ai tué ma mère
À partir d’un fait divers, Kate Summerscale livre une bouleversante photographie de l’Angleterre victorienne.
Tout commence en juillet 1895 dans le quartier ouvrier de Plaistow, à Londres. Par une nuit étouffante, le jeune Robert Coombes, alors à peine âgé de 13 ans, poignarde à mort sa mère maltraitante. Avec la complicité de son petit frère, l’adolescent laisse ensuite le corps pourrir à l’étage de la maison familiale pendant une dizaine de jours, avant que l’odeur pestilentielle n’éveille la suspicion des voisins et de la police.
Nommée «L’abomination de Plaistow » ou encore « La tragédie de Plaistow » par les journaux, cette affaire de matricide a passionné Kate Summerscale – déjà connue pour L’Affaire de Road Hill House (2008) et La Déchéance
de Mrs Robinson (2012) – par son dénouement hors norme. Alors que Robert Coombes était promis à un sombre avenir – il est condamné à être enfermé dans un asile de fous pour une durée indéterminée –, la vie lui offre finalement une seconde chance. Libéré pour bonne conduite en 1916 d’un établissement psychiatrique aux méthodes étonnamment douces pour l’époque, l’ancien criminel émigre et participe à la Grande Guerre au cours de laquelle il est décoré. Contre toute attente, Robert Coombes finira ses jours tranquillement, au fin fond de l’Australie où il recueillera un jeune garçon lui aussi victime de violences familiales.
UNE ÉPOPÉE SOCIALE
Avec un sens saisissant du détail, Kate Summerscale use à nouveau de son talent de conteuse et d’historienne pour faire revivre l’Angleterre de la seconde moitié du e siècle. Partant XIX du fait divers, l’auteur s’évade bien vite vers d’autres horizons pour nous parler tout à la fois des institutions judiciaires de l’époque, de la presse, des docks de Londres, du travail des jeunes garçons, de la législation sur la démence, de la vie quotidienne à l’armée et de mille autres choses tout aussi passionnantes. Son livre, résultat d’une plongée minutieuse dans les archives, force le respect et fait voyager le lecteur tout au long de ce récit pas comme les autres. Des quartiers populaires de la capitale britannique jusqu’au bush australien en passant par l’asile psychiatrique de Broadmoor, Un singulier garçon est à la fois une formidable épopée, un livre d’histoire et un émouvant traité en faveur de la résilience et de l’infinie complexité de l’âme humaine.