« UN OU UNE ESPÈCE »
Quand elle existerait depuis des lustres (Voltaire, en son siècle des Lumières, évoquait déjà « un espèce de grand homme »), de plus en plus grande est la tentation, dès qu’espèce est suivi d’un complément masculin, d’en faire un masculin à son tour. C’est que ledit complément nous apparaît autrement important, pour le sens de la phrase, que le groupe espèce de, à l’évidence confiné dans le rôle subalterne de syntagme adjectival. Nous conforte plus ou moins consciemment dans cette analyse le fait que l’adjectif ou le participe qui suit s’accorde le plus souvent, pour sa part, avec ce complément : « L’espèce de fou dont nous avons parlé s’est
jeté sur moi. » Pour autant, le mot espèce n’a pas vocation à changer de genre : pas plus qu’il ne viendrait à l’idée de dire « un sorte de marteau », on ne se risquera donc à parler d’« un espèce de marteau ». Et l’on redoublera de méfiance chaque fois que l’on usera du démonstratif, la différence entre « cette espèce » (correct) et « cet espèce » (fautif) étant malheureusement inaudible et indolore à l’oral !