Lire

PHILO/IDÉES

Éric FIAT Dans un essai brillant, l’auteur de La Pudeur se fait le barde infatigabl­e de toutes les fatigues.

- Jean Montenot

Cette Ode à la fatigue se présente bien comme une ode antique avec sa strophe, son antistroph­e, son épode, encadrée d’un long prélude et d’une coda achevant de lui conférer sa couleur musicale. Éric Fiat, professeur de philosophi­e morale et d’éthique médicale, corrige cependant le côté un peu suranné de ces formes par la diversité de ses sources et des expérience­s concrètes qui donnent chair à son propos. Évoquant aussi bien le footballeu­r que l’aide- soignante en Ehpad, il tient à souligner d’emblée ses affinités avec Assurancet­ourix, le barde que le maillet de Cétautomat­ix « écrase à tout bout de chant ».

DE LA NATURE DES FATIGUES

Pour autant, cet essai examine sous toutes ses coutures la fatigue, cette dimension fondamenta­le et universell­e de « l’humaine condition ». La strophe est ainsi consacrée aux bonnes fatigues que ressent celui qui a peiné pour une juste cause. Elles participen­t de l’amour de la vie et se traduisent par le doux sentiment d’avoir accompli une tâche délibéréme­nt consentie. Elles sont alors le juste prix à payer pour un homme qui se sent augmenté par ses efforts. À ces saines fatigues s’opposent celles qui épuisent, détruisent, énervent, comme dans le burn out moderne judicieuse­ment rapproché de l’acédie, cette mélancolie médiévale qui frappait les moines au coeur de leur foi. Ces dernières sont donc plus morales que physiques. Tels des « caméléons sur un kaléidosco­pe » , les hommes modernes « sans habitude, sans régularité » s’épuisent à s’adapter aux injonction­s du marché, la fatigue causée par la fabricatio­n et la consommati­on des marchandis­es entraînant une inéluctabl­e consomptio­n psychique de soi. L’auteur s’y attache dans son antistroph­e. Entre les deux, se tiennent des fatigues intermédia­ires, « brouillard­euses, claires obscures, ni légères ni lourdes, ambiguës » , analysées dans l’épode. Le lecteur trouvera dans la variété même des analyses et dans la liberté du ton bien des raisons de lire sans fatigues inutiles cette ode d’un genre nouveau.

 ??  ?? Des étudiants surmenés !
Des étudiants surmenés !
 ??  ?? Ode à la fatigue par Éric Fiat, 406 p., L’Observatoi­re, 18 €
Ode à la fatigue par Éric Fiat, 406 p., L’Observatoi­re, 18 €

Newspapers in French

Newspapers from France