HISTOIRE
Jean-Marie LE GALL L’historien redonne ses lettres de noblesse à la Renaissance, période de l’Histoire quelque peu dénigrée.
Comme toute époque nommée, la Renaissance est l’objet de discussions critiques. Ne serait-elle qu’un artefact rtefact ? Une invention ex post ? Plus largement, toute périodisation historique ne serait- elle qu’une construction au service d’une idéologie ? Bien sûr, « toute histoire est contemporaine », nous dit Benedetto Croce, sans que, nécessairement, le point de vue du présent empêche d’éclairer le passé. Au crible de ces interrogations, la Renaissance a subi quelques avanies.
Il y a d’abord ceux qui ont cru pouvoir lui dénier toute pertinence comme « période ». C’est ainsi que les médiévistes, fâchés que leur domaine soit assimilé aux « siècles obscurs », se sont évertués à « éclairer » leur vision de cette époque par les deux bouts. Plus de haut Moyen Âge, mais une Antiquité tardive, plus de bas Moyen Âge mais une entrée directe dans nos temps modernes. Pour faire bon poids, il n’y avait pas de Renaissance mais « des » renaissances – carolingienne, du xii siècle, etc. – dont le Moyen Âge aurait été rempli. À côté de ceux pour qui la Renaissance n’existe pas, il y a ceux qui l’accablent de tous les maux. Avec elle s’installeraient la prétention européano-centriste, la conquête du monde et ses prédations, l’invention du moloch qu’est l’État-nation, l’empire de la science, des techniques, du progrès, en somme, et ses dégâts. L’humanisme même serait au principe de l’individualisme destructeur des communautés naturelles et de ses prétentions démiurgiques – l’homme est la mesure de toute chose – une injure faite par la créature à son créateur. Bref, la Renaissance, et dans le même mouvement les Lumières qui en procèdent, serait la matrice de nos dérélictions contemporaines. Il était temps de faire le point.
Jean-Marie Le Gall s’y emploie avec une érudition époustouflante et pourtant accessible sans effort. On a compris qu’au terme de cette instruction à charge et à décharge il rétablit « l’existence » de la Renaissance et que, à tout prendre, celle-ci mérite plus sûrement l’honneur qui lui est dû que cette indignité dont on voudrait l’accabler.