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HISTOIRE LITTÉRAIRE

Yves BONNEFOY L’auteur, par sa correspond­ance, fait renaître les grands noms de la vie intellectu­elle et littéraire d’après-guerre.

- Estelle Lenartowic­z

La publicatio­n du premier tome de la correspond­ance d’Yves Bonnefoy (1923-2016), lancée avec l’accord du poète peu avant son décès, doit être saluée à plusieurs titres. Par sa richesse, sa diversité et son ampleur, ce passionnan­t volume porte une lumière inédite sur ce que fut une partie de la vie poétique et intellectu­elle française après la Libération. André Breton, Michel Butor, Pierre Boulez, Gaston Bachelard, Jean- Pierre Richard… Une impression­nante galaxie de cinquante écrivains, critiques, poètes et artistes (dont seulement quatre femmes) ayant dialogué, échangé, pensé avec l’auteur de Hier régnant désert et des Planches courbes. En leur compagnie, on entre à pas discrets au coeur de l’atelier du poète, suivant les étapes de l’écriture, les tâtonnemen­ts existentie­ls, pénétrant la matière vivante d’une recherche fine, profonde, inlassable­ment exigeante de son engagement poétique. Nombreuses sont les lettres qui donnent aussi accès au coeur de son travail éditorial qui fut intense, minutieux et protéiform­e, notamment à l’occasion de l’aventure de la revue L’Éphémère, créée en 1967, avec Louis-René des Forêts, Jacques Dupin et André du Bouchet. Au fil de ces neuf cents lettres se dessine une personnali­té complexe et pudique, empreinte d’une droiture soucieuse, intraitabl­e de précision. Le voilà qui annonce très discrèteme­nt la grossesse de sa compagne, et qui « se saoule de vin de Lubéron pour noyer les soucis et les tristes pensées ». Partout, on sent son désir de faire exister la poésie dans l’espace public, et dans l’étroit compagnonn­age de ses pairs. « Je ne puis séparer l’écriture de ce que je rencontre, expériment­e, accepte ou regrette dans la vie, même si aucun lien immédiat entre l’un et l’autre ne semble s’établir », confie-t-il au traducteur et musicologu­e Boris de Schloezer. Avec ce dernier et avec beaucoup d’autres, le projet poétique devient « cet accès à soi qui se fait accès aux autres ».

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 ??  ?? Correspond­ance par Yves Bonnefoy,éd. établie par Odile Bombarde et Patrick Labarthe, 1 156 p., Les Belles Lettres, 26,90 €
Correspond­ance par Yves Bonnefoy,éd. établie par Odile Bombarde et Patrick Labarthe, 1 156 p., Les Belles Lettres, 26,90 €

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