POLAR
Le premier tome – de plus de mille pages ! – d’une trilogie mêlant la grande fresque « Deep South » et le noir pur jus. Un monstre littéraire.
Certains moments, dans la vie, font voir les choses en grand. Jusqu’ici peu connu en France (malgré plusieurs titres parus aux Presses de la Cité), l’Américain Greg Iles avait toutefois une petite notoriété outre-Atlantique depuis les années 1990, notamment en raison de ses deux premiers romans, des thrillers évoquant la Seconde Guerre mondiale et l’Allemagne (où il est né, en 1960). Ex-chanteur et guitariste d’un groupe de rock, ce fils du Mississippi a alors enchaîné les livres avec un certain succès dans les librairies locales, sans toutefois être forcément pris au sérieux littérairement.
NOIRCEUR FAULKNÉRIENNE
Un accident de voiture, en 2011, viendra changer la donne : après plusieurs jours de coma, l’auteur en sort indemne – ou presque, puisqu’il a tout de même perdu l’usage d’une jambe. Loin de se morfondre, il se lance dans un projet littéraire d’une ambition jusqu’alors inédite chez lui : une énorme trilogie « noire » avec pour décor le Deep South – un peu comme si Mark Twain rencontrait John Grisham –, et dont on découvre aujourd’hui le premier volet, Brasier noir. En 1964, un jeune garçon noir et la fille ( blanche) d’un mafieux local s’aiment. Des hommes du Ku Klux Klan règlent la situation à leur manière : avec une courte corde et un arbre suffisamment haut. S’ensuivent deux meurtres et un viol collectif. Après ce prologue saisissant, nous basculons en 2005. La mort d’une femme noire, Viola Turner, fait ressurgir les démons du passé. Le suspect n’est autre que le docteur Tom Cage dont le fils, Penn, est le maire de Natchez (Mississippi). Jusqu’alors, son géniteur était considéré comme le « Héros Méconnu » : quarante ans à soigner « les plus indigents ». Mais il semble lié, d’une manière ou d’une autre, à la mort de Viola avec laquelle il avait eu une relation trouble. Étrangement, cet homme avait aussi quelque rapport avec les Aigles bicéphales, des dissidents du KKK. Écartelé entre la recherche de la vérité et la fidélité paternelle, Penn mène alors sa propre enquête.
Mêlant le roman de mafias, le cold case et la fresque historique – avec une patine de noirceur faulknérienne du Deep South –, Brasier noir souffre certes de quelques longueurs. Mais il a suffisamment de souffle et d’ampleur pour surpasser bien des livres du genre. Et on attend déjà les deux volets suivants de cette saga, prochainement traduits chez nous.
Hubert Artus (avec B.L.)