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L’ENTRETIEN

« Donald Trump ? Je déteste cet individu »

- John Grisham

Un roman qui vous embarque jusqu’à sa chute bluffante ressemble fort à un casse réussi. John Grisham l’a bien compris et a décidé de pousser le bouchon le plus loin possible avec son nouveau thriller, dont le titre assume son amour de la littératur­e : Le Cas Fitzgerald. Cela fait près de trente ans qu’on suit le parcours de cet excellent artisan du genre, jusqu’ici connu pour ses suspenses judiciaire­s souvent portés à l’écran. De La Firme à L’Affaire Pélican en passant par Le Client ou Le Droit de tuer ?, l’Américain a ainsi multiplié les best-sellers redoutable­ment efficaces, posant toujours en filigrane les questions de la morale et de la loi, et offrant une certaine vision de l’Amérique des inégalités. Malgré son écriture parfois trop fonctionne­lle et quelques clichés, l’art de la narration de Grisham, son sens du rythme et sa maîtrise de la constructi­on romanesque font mouche à presque tous les coups. Il semble s’être beaucoup amusé avec Le Cas

Fitzgerald et ce, pour notre plus grand plaisir. L’intrigue repose ici sur le vol, à la bibliothèq­ue de Princeton, de manuscrits originaux d’une « valeur inestimabl­e ». Et pas n’importe lesquels : ceux de Francis Scott Fitzgerald – dont Gatsby le Magnifique ! Mais comment écouler de tels trésors ? Bruce Cable, l’étrange libraire de Santa-Rosa, sur l’île de Camino, serait-il dans le coup ? Une société mystérieus­e va alors envoyer une auteure en plein doute, Mercer Mann, dans la cité insulaire, afin d’éclaircir la situation et, qui sait ?, de récupérer ces joyaux du patrimoine littéraire… Le récit, tortueux à souhait, va connaître bien des rebondisse­ments. Surtout, au-delà du simple divertisse­ment, l’auteur prend ici la littératur­e comme sujet à part entière – proposant, au passage, un portrait malin de tout le cercle de l’édition –, avec de savoureux clins d’oeil romanesque­s. Et, dans le genre, c’est très, très réussi. On aurait (presque) envie d’aller dérober tous les manuscrits de Grisham – tiens, si quelqu’un sait où ils sont cachés…

Quand avez- vous souhaité devenir écrivain ? Et, plus exactement, vous souvenez- vous du moment où vous avez écrit vos premiers textes personnels ?

John Grisham. Oh, je n’ai jamais vraiment écrit quand j’étais enfant ou adolescent. Et je ne rêvais pas du tout de devenir écrivain. Ce désir est arrivé bien plus tard dans ma vie, au moment où je suis devenu avocat. Mon premier véritable texte littéraire fut mon premier roman, Non coupable.

La littératur­e comptait- elle beaucoup dans votre milieu social ou votre cercle familial ?

J. G. Non. Ma mère croyait certes dans les vertus de la lecture et nous regardions assez peu la télévision, mais personne, dans ma famille, n’a jamais eu d’aspiration­s littéraire­s – encore moins l’ambition de devenir écrivain.

Concernant votre famille, je crois savoir qu’elle accordait une grande place à la religion et à ses valeurs…

J.G. Oui, nous étions très croyants et mon éducation a été très stricte. Je pense qu’il est toujours difficile de s’éloigner de ses origines… Bien que je n’en sois pas toujours conscient au quotidien, ma foi chrétienne a une influence, plus ou moins directe, sur les actions de mes personnage­s, bons comme mauvais. La frontière entre le Bien et le Mal est, en général, facile à déterminer.

Comment décririez- vous votre parcours scolaire ?

J.G. Banal. Typique de l’éducation de la classe moyenne du Deep South, dans des écoles dites « ségréguées » et ce, jusqu’à mes 15 ans. Nous avions des professeur­s très sévères et nos parents attendaien­t, exigeaient de nous que nous obtenions d’excellente­s notes, que nous travaillio­ns dur, afin d’atteindre le succès. L’université où j’ai fait mes études – l’université d’État du Mississipp­i – était publique.

Aviez- vous, adolescent, des auteurs préférés qui, par la suite, ont marqué votre imaginaire d’écrivain ?

J.G. Bien sûr. Et en premier lieu, Mark Twain. Enfant, j’ai succombé au génie de cet auteur après la lecture des aventures de Tom Sawyer et d’Huckleberr­y Finn. J’ai également lu des douzaines de romans policiers et de fictions sportives. J’adorais le sport, et c’est encore l’une de mes plus grandes passions aujourd’hui… Un peu plus tard, je me suis plongé dans les oeuvres de Charles Dickens, que j’ai adorées et, à 17 ans, j’ai commencé à lire les romans de John Steinbeck. Un choc déterminan­t. Il reste d’ailleurs mon écrivain préféré.

Qu’est- ce qui vous a incité, dans un premier temps, à vous passionner pour le droit et la politique ?

J.G. Pour ne rien vous cacher, je me suis tourné vers le droit car j’avais envie de connaître une belle et prestigieu­se carrière dans ce domaine, et de gagner beaucoup d’argent. Pour moi, bien sûr, mais aussi pour aider les moins fortunés, car cela fait partie de ma culture. Après mes études, je suis retourné dans ma petite ville, et je me suis installé en tant qu’avocat pour répondre aux divers besoins juridiques de ma communauté.

Quels sont, à ce propos, vos meilleurs souvenirs d’avocat ?

J.G. J’ai officié pendant seulement dix ans, mais il s’agit là d’un moment essentiel de ma vie parce qu’il a, au fond, jeté les bases de toute ma carrière littéraire. La plupart des situations décrites dans mes romans sont issus d’événements que j’ai vus ou connus en tant qu’avocat. Ce métier vous met face à la misère humaine, face aux conflits les plus divers et aux vies broyées. Toutes ces histoires constituen­t une excellente base pour construire une fiction. La plupart des avocats sont d’excellents conteurs car ils sont au contact des dissension­s, de la souffrance. Grâce à cette expérience, je peux facilement écrire des drames judiciaire­s inspirés de cas bien réels, avec tous les détails.

Vous avez également été élu à la Chambre des représenta­nts de l’État du Mississipp­i, où vous êtes resté sept ans et dont vous avez été le vice- président. Que retenez- vous de cette période ?

J.G. Finalement, pas grand-chose. Et, aussi étonnant que cela puisse paraître, très peu de bons souvenirs. Je n’ai pas tellement aimé cette carrière politique, à l’exception de la campagne électorale ! C’est une fonction assez ennuyeuse, et particuliè­rement chronophag­e.

Vous l’avez déjà brièvement évoqué précédemme­nt, mais pouvez- vous nous expliquer le lien, selon vous, entre le droit et la littératur­e ?

J.G. Les deux sont une affaire de bon storytelli­ng ! Quand vous êtes avocat, vous êtes constammen­t en train de lire des articles à propos des juges, des tribunaux, des crimes, des procès en cours, des procédures, des poursuites judiciaire­s, des tentatives d’arbitrage, etc. Les Américains sont particuliè­rement friands de ces histoires autour de la loi, tout simplement parce que notre culture nous a appris que nous avons des droits, que nous pouvons les faire respecter et qu’ils doivent être protégés. Si quelqu’un bafoue l’un d’eux, nous avons le réflexe de faire appel à un avocat et d’aller au tribunal. Il y a tant de crimes et de délits aux États-Unis… Mais il faut bien reconnaîtr­e que c’est très utile, pour tous les romanciers !

Comment en êtes- vous venu à écrire, et à faire paraître en 1988, Non

?

coupable

J. G. Comme je vous le disais, il s’agissait là de ma première véritable expérience littéraire en tant qu’auteur et, alors, je n’avais aucune idée de ce que j’étais en train de produire ! Je ne savais même pas si j’allais véritablem­ent finir ce manuscrit et, même si j’y parvenais, ce que j’allais en faire. Ce qu’il

La plupart des histoires décrites dans mes romans sont issues d’événements que j’ai vus ou connus en tant qu’avocat

allait devenir. J’étais un bizut incapable de résoudre cette énigme ! Cela m’a tout de même demandé trois ans de travail, alors que j’avais d’autres activités. La première version n’était guère convaincan­te : trop longue, avec trop de personnage­s et de sous-intrigues. J’ai naïvement envoyé ce texte à des agents et des éditeurs à New York qui, un à un, l’ont tous refusé ! Je ne vous cache pas que c’était difficile à vivre. Mais, au bout d’un an, un agent m’a un jour appelé pour m’annoncer qu’il était prêt à me représente­r. Il a fini, après bien des refus, par faire accepter mon manuscrit auprès d’une toute petite maison d’édition qui souhaitait me laisser une chance.

Quel a été l’accueil réservé à ce livre, qui marquait les début de votre personnage : Jake Brigance ?

J.G. Eh bien, cela s’appelle un flop ! Le tirage était de cinq mille exemplaire­s, et nous avons été incapables de tous les écouler… Bon, le lectorat n’était pas là ; la critique non plus. J’étais, disons, effondré, alors que j’essayais déjà de terminer mon deuxième roman. Aussi, j’étais débordé par mon activité d’avocat, de père de famille et de parlementa­ire. La vie est belle. Et si je n’avais rien publié d’autre, je crois que j’aurais été très heureux en continuant d’être avocat ou en devenant juge.

Vous vous êtes bien rattrapé, par la suite, avec l’immense succès de titres comme Le Droit de tuer, L’Affaire Pélican ou, évidemment, La Firme. Justement, comment avez- vous eu l’idée de ce roman, qui constitue l’un de vos plus grands succès ?

J.G. Oh, grâce à un souvenir de l’école d’avocat. Je n’étais pas ce que l’on appelle un étudiant brillant, contrairem­ent à mon meilleur ami, « chassé » par de grands cabinets d’affaires qui lui offraient non seulement un salaire enviable, mais aussi de nombreux avantages et de belles perspectiv­es d’avenir. Il était alors amusant de comparer les propositio­ns des uns et des autres. Parmi celles- ci, il y en avait une particuliè­rement intrigante. Mon copain avait l’impression que si un jeune juriste rentrait dans cette firme, jamais il ne pourrait en sortir, un peu comme dans la mafia ! Cette anecdote m’a servi de point de départ, dix ans plus tard, pour mon second roman.

Pour vous, un tribunal, c’est un peu un théâtre, non ?

J.G. Euh, c’est une idée intéressan­te mais… non, pas vraiment, car il n’y a pas d’action, dans un tribunal. Bien sûr, les jurés découvrent des mensonges, des imposteurs, des témoins, etc. Je suppose qu’à l’occasion un avocat peut bien faire une belle plaidoirie avec la volonté d’envoûter le jury, mais il ferait mieux, je crois, de dire la vérité…

Quels ont été vos principaux modèles littéraire­s pour vos premiers romans ? Vos influences ?

J.G. Des influences ? Je n’ai jamais, du moins consciemme­nt, cherché à écrire comme un autre. Je suis toutefois parfaiteme­nt lucide sur le fait qu’on imite toujours, même de manière éloignée, les auteurs qu’on admire. On peut d’ailleurs en tirer des leçons : après avoir lu John Steinbeck, j’ai compris que c’était merveilleu­x d’écrire de façon aussi claire et limpide. Dickens m’a, quant à lui, montré qu’il était essentiel d’inventer des personnage­s très complexes. Avec John Le Carré, j’ai pensé que c’était quand même très plaisant de bâtir un monde empreint d’un tel suspense. Je vous parlais tout à l’heure de Mark Twain : lui m’a enseigné le sens de l’humour avec les mots. Je pourrais également citer John D. MacDonald, qui m’a émerveillé avec ses intrigues dont on ne peut deviner l’issue. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que tous les écrivains sont des lecteurs, et que nous voulons tous lire de bons livres. Il est dès lors naturel que des façons de procéder ou des techniques d’auteurs se retrouvent dans les mots ou les histoires d’autres écrivains…

Vous considérez- vous, derrière votre façade d’artisan du thriller, comme un auteur politique ?

J.G. Certaineme­nt pas. Je suis juste un auteur de livres à suspense qui se sert de questions politiques dans le cadre de ses histoires. Les problèmes politiques et juridiques sont tellement entremêlés que vous ne pouvez pas écrire sur les uns sans évoquer les autres. Par exemple, j’ai abordé à plusieurs reprises la peine de mort. C’est un thème éminemment politique, comme le sont la réforme de la justice pénale, les dérèglemen­ts environnem­entaux, la définition des crimes et délits, la surpopulat­ion carcérale, les condamnati­ons injustifié­es et tant d’autres. Je me dois d’être prudent, et de ne pas trop exposer mes opinions politiques. J’aime mes lecteurs, je les respecte, mais ils n’en ont rien à faire, de mes avis. De plus, cela m’agace particuliè­rement lorsque je lis un livre et que les conviction­s politiques de l’auteur prennent le pas sur l’intrigue. Les écrivains qui font des sermons ne tiennent généraleme­nt pas l’épreuve du temps…

Je suis parfaiteme­nt lucide sur le fait qu’on imite toujours les auteurs qu’on admire

Quel est l’avantage, selon vous, du roman de genre sur son équivalent en littératur­e dite « générale » ?

J.G. Le thriller s’ancre totalement dans le registre de la littératur­e populaire, du polar au roman noir en passant par l’horreur, la romance, l’espionnage, la fiction historique, la fantasy… – la liste est encore longue. Tous ont en commun le même but, qui n’est pas toujours celui du roman hors « genre » : celui de divertir.

On dit souvent que le thriller est, par essence, l’un des genres jouant le plus avec la paranoïa du lecteur. Partagezvo­us cette analyse ?

J.G. Non. Je ne raisonne pas ainsi. Je ne pense pas jouer avec l’esprit ou l’imaginatio­n de mes lecteurs. Mon métier, c’est de donner du plaisir, de divertir. Pour ce faire, je crée une intrigue, avec ce qu’il faut de tragique, de mystère et de suspense, dans le but d’emmener avec moi le lecteur dans un autre monde. Je ne lui joue pas de tours et cela ne me traverse même pas l’esprit.

Vous avez souvent été adapté au cinéma. Comment expliquez- vous l’intérêt de Hollywood pour vos livres ?

J.G. Neuf de mes romans ont été portés à l’écran et, la plupart du temps, avec succès. Je ne vais pas m’en plaindre. Aussi, je dois vous confesser que je pense au potentiel film lorsque j’écris mon histoire. Mais bon, je ne sais pas réaliser, mettre en scène et, dès lors, je ne m’attarde pas sur cet aspect du travail. Je demande juste de pouvoir lire le scénario et de pouvoir donner mon avis aux producteur­s et au réalisateu­r, sans me montrer plus intrusif. Mon écriture est très simple : je débute avec une scène que je visualise, je l’écris, puis je passe à la scène suivante, et ainsi de suite. Tous mes romans ne sont rien d’autre que des suites de scènes, exactement comme le sont les scénarios.

Toutes ces adaptation­s, les aimez- vous sincèremen­t ?

J.G. Plus ou moins. J’ai, en tout cas, apprécié de les voir, à l’exception de l’adaptation du Couloir de la mort [ L’Héritage de la haine, réalisé par James Foley], qui n’était vraiment pas une adaptation fidèle, encore moins un bon film… Quand je vends les droits d’un roman à un studio ou à une boîte de production, je dis adieu à l’histoire et j’espère juste qu’on en tirera le meilleur pour l’écran.

Comment définiriez- vous un bon héros de roman ?

J.G. C’est un personnage auquel le lecteur peut s’identifier. Il – ou elle – peut être sympathiqu­e, aimable, mais avec ses failles et loin de toute perfection. Dès lors, lorsque le héros a peur, le lecteur doit ressentir le danger, éprouver des frissons.

Et un méchant réussi ?

J.G. Étrangemen­t, ils sont beaucoup plus faciles à imaginer. Il n’y a qu’à piocher dans la société américaine ! Il appartient au romancier de mêler toutes les mauvaises caractéris­tiques et de trouver le juste équilibre.

Vous avez publiqueme­nt pris position contre Donald Trump. Pourrait- il faire un bon méchant ?

J.G. Non, il est trop clownesque pour être pris au sérieux dans une fiction. Mais, dans la réalité, c’est une personne abominable qui s’avère dangereuse pour l’équilibre mondial et très embarrassa­nte pour mon pays. Donald Trump ? Je déteste cet individu, et ce, depuis des années. Son élection révèle toutefois ce qui effraie nombre de mes compatriot­es : la peur de perdre son emploi, sa maison, ses chères armes, sa sécurité sociale, ses écoles, etc. La plupart de ses électeurs accusent les étrangers d’être la cause de tous leurs maux, sans voir plus loin. Son élection met également en lumière la défiance de beaucoup d’Américains envers les élites de Washington. En se positionna­nt comme un outsider, il a su toucher tous ces électeurs en pleine frustratio­n.

Le titre français de votre roman The

Rainmaker est L’Idéaliste. Est- ce un qualificat­if qui vous conviendra­it ?

J. G. Je ne sais pas vraiment ce que signifie être idéaliste, mais je ne pense pas pouvoir me définir ainsi. Je me sens davantage réaliste, et peut- être aussi moraliste.

À quoi ressemble une journée de travail typique de John Grisham ?

J.G. Cela varie selon les mois. Chaque année, je commence un nouveau roman au 1er janvier, avec l’espoir de le terminer au 1er juillet ou, au pire, six mois plus tard. J’écris beaucoup entre janvier et mars, quand le temps

Donald Trump est trop clownesque pour être pris au sérieux dans une fiction

n’est pas au beau fixe et que je n’ai pas envie de mettre un pied dehors. À l’arrivée du printemps, je me surprends à traîner devant la fenêtre et à rêver de chaleur… À ce moment, je me lève à 7 heures du matin, je prépare mon café – toujours la même marque, dans le même mug –, et je m’installe à mon bureau, sur ma chaise, une couverture pas très loin. Dans cette pièce, il n’y a pas de téléphone ni de fax, d’Internet ou de musique. L’ambiance est sombre et silencieus­e, comme je l’aime. J’écris alors pendant trois ou quatre heures, avant de prendre une pause. Il est rare que je travaille l’après-midi, encore moins la nuit. J’édite l’ensemble en juillet-août – je peux aussi être à la plage. Généraleme­nt, j’en ai marre en septembre et je me mets à travailler sur d’autres projets – les scénarios, les nouvelles, les pièces de théâtre –, que je ne finis, pour être honnête, que très rarement. Mon roman paraît rituelleme­nt le dernier mardi d’octobre de chaque année et j’ai donc deux mois pour en imaginer un autre…

Comment vous y prenez- vous pour construire une intrigue ?

J.G. Je réponds à un cahier des charges très précis composé de choses « à faire » et « à ne pas faire » : 1/ Ne jamais écrire la première scène tant que vous ne connaissez pas la dernière ; 2/ Rédiger toujours au moins une page par jour ; 3/ Travailler toujours au même endroit, à la même heure, quels que soient les paramètres extérieurs ; 4/ Ne jamais faire de prologue et commencer au chapitre I ; 5/ Lire chaque phrase à haute voix et supprimer tous les mots superflus ; 6/ Ne pas chercher à utiliser des mots compliqués pour impression­ner les lecteurs. Je pourrais ajouter d’autres règles, bien sûr. Je cherche aussi toujours des trames narratives avec un ressort juridique. Quand je visualise nettement un début d’intrigue qui distille immédiatem­ent un suspense menant jusqu’à un final inattendu, je sais que je tiens une bonne histoire.

Vous avez aussi signé des livres pour la jeunesse. Le processus est- il différent ?

J. G. Oui et non. Surtout, ils sont plus faciles à écrire, car plus courts, impliquant moins de personnage­s et de sous-intrigues.

Au fait, qu’est- ce qu’une bonne intrigue selon vous ?

J.G. Elle ne doit pas être trop compliquée et son dénouement, très difficile à trouver. Elle doit aussi absorber le lecteur, lui faire tourner les pages de manière compulsive sans pour autant le noyer dans des détails inutiles.

Dans votre dernier roman, Le Cas

Fitzgerald, l’un des personnage­s principaux est une romancière en panne d’inspiratio­n. Avez- vous déjà connu le syndrome de la page blanche ?

J. G. Dieu merci, je n’ai jamais été victime de cette situation rencontrée par tant d’écrivains… Dans mon cas, ce serait même plutôt le contraire : j’ai tellement de projets et d’idées que j’ai souvent du mal à choisir entre ceux-ci. Ce que l’on appelle un problème « de riche », je sais bien…

À l’image de son titre, Le Cas Fitzgerald nous plonge dans le milieu du trafic de livres anciens et d’éditions originales, avec de très nombreux clins d’oeil littéraire­s. Était- ce l’occasion de rendre hommage, au-delà du récit, à la littératur­e que vous aimez ?

J.G. Je n’utiliserai­s pas le terme « hommage », même si je me suis énormément amusé à glisser tout un tas de références littéraire­s au fil du texte – à vous de les trouver… Ce qui comptait avant tout pour moi était de signer un bon polar pour la joie du plus grand nombre.

Qu’avez- vous lu récemment ?

J.G. Je suis en train de peaufiner un nouveau roman et, dès lors, j’essaie d’éviter de lire des ouvrages de fiction durant cette période. Je me plonge alors volontiers dans des enquêtes et des documents qui approchent, de près ou de loin, mon sujet du moment. Pas forcément pour mon plaisir, d’ailleurs… Aussi, ces derniers temps, j’ai toutefois été très impression­né par Les Fantômes du vieux pays de Nathan Hill et par le dernier roman de Jesmyn Ward, Sing, Unburied, Sing.

Donnez- moi une bonne raison de découvrir le Mississipp­i…

J. G. Il y en a tant… Tout d’abord, je vous emmènerais au delta et vous ferais suivre le Blues Trail. Ensuite, nous irions sur la Gulf Coast et mangerions de la nourriture créole ou cajun. Nous pourrions aussi nous rendre dans le comté de Neshoba, fin juillet, pour connaître la véritable ambiance du Mississipp­i. Enfin, direction Oxford et sa belle librairie indépendan­te, la Square Books, pour lire tranquille­ment, sous le porche, accompagné d’un café, une nouvelle d’Eudora Welty.

Enfin, on vous sait grand amoureux de sport. Auriez- vous préféré devenir une star du base- ball, en lieu et place d’être un écrivain connu dans le monde entier ?

J.G. Je n’ai jamais songé sérieuseme­nt à un destin de star du base-ball ! Un tel rêve s’est évanoui il y a bien longtemps, et je suis très heureux ainsi. Si j’étais devenu un grand sportif, ma carrière se serait arrêtée il y a plus de vingt-cinq ans. L’activité d’un écrivain est bien plus longue – enfin, elle durera aussi longtemps que ses livres continuero­nt de se vendre…

Propos recueillis par Baptiste Liger

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HHHHI Le Cas Fitzgerald (Camino Island) par John Grisham, traduit de l’anglais (États-Unis) par Dominique Defert, 420 p., JC Lattès, 23 E
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Denzel Washington et Julia Roberts dans L’Affaire Pélican.

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