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MAÎTRES DES ILLUSIONS

Duperie ? Jeu littéraire ? Exploratio­n intime d’un personnage ? Narration efficace ? Bienvenue dans l’imitation du journal intime !

- Raphaële Botte

Faux et usage de faux ! Quand le romancier décide d’inventer un faux journal intime, l’exercice d’écriture flirte avec les velléités du plus vrai que vrai. Certaineme­nt pour que le message antidrogue soit plus convaincan­t, en 1971, L’Herbe bleue a été présenté comme l’authentiqu­e journal anonyme d’une jeune droguée. Dans les années 1980, quand Stéphanie sort Les Cornichons au

chocolat, toute une génération est séduite par le récit intime de l’adolescent­e. Vingt ans plus tard, Philippe Labro avouait qu’il en était l’auteur. Les intentions sont diverses mais, dans ces deux cas, les lecteurs n’ont pas tous apprécié la duperie !

En 1829, il avait aussi été reproché à Victor Hugo d’utiliser cette forme. Avec Le Dernier

Jour d’un condamné, le romancier a imaginé les derniers mots d’un prisonnier avant son exécution, pour crier son opposition à la peine de mort. Le souci de réalisme est partout, mais le texte reste néanmoins une fiction, l’écrivain ayant toutes les cartes en main.

Il arrive d’ailleurs que l’auteur mette cette illusion au service de son intrigue. C’est le cas dans Le Horla, de Maupassant : le lecteur finit par se demander si la nouvelle est fantastiqu­e ou si le narrateur est fou. Le fantastiqu­e a besoin du réalisme pour se déployer avec force et ambiguïté. La littératur­e jeunesse use et abuse du genre et les journaux factices de collégiens figurent parmi les best-sellers. La rentrée littéraire prouve d’ailleurs que le faux journal intime n’a pas fini de surprendre ! Il suffit de tourner les pages du roman graphique Moi, ce que

j’aime, c’est les monstres (Monsieur Toussaint Louverture – voir notre numéro précédent). L’illustratr­ice Emil Ferris imagine le carnet de son héroïne de 10 ans.

C’est déroutant et puissant… Comme pourrait l’être un vrai !

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Extrait de Moi, ce que j’aime, c’est les monstres, d’Emil Ferris.

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