MAÎTRES DES ILLUSIONS
Duperie ? Jeu littéraire ? Exploration intime d’un personnage ? Narration efficace ? Bienvenue dans l’imitation du journal intime !
Faux et usage de faux ! Quand le romancier décide d’inventer un faux journal intime, l’exercice d’écriture flirte avec les velléités du plus vrai que vrai. Certainement pour que le message antidrogue soit plus convaincant, en 1971, L’Herbe bleue a été présenté comme l’authentique journal anonyme d’une jeune droguée. Dans les années 1980, quand Stéphanie sort Les Cornichons au
chocolat, toute une génération est séduite par le récit intime de l’adolescente. Vingt ans plus tard, Philippe Labro avouait qu’il en était l’auteur. Les intentions sont diverses mais, dans ces deux cas, les lecteurs n’ont pas tous apprécié la duperie !
En 1829, il avait aussi été reproché à Victor Hugo d’utiliser cette forme. Avec Le Dernier
Jour d’un condamné, le romancier a imaginé les derniers mots d’un prisonnier avant son exécution, pour crier son opposition à la peine de mort. Le souci de réalisme est partout, mais le texte reste néanmoins une fiction, l’écrivain ayant toutes les cartes en main.
Il arrive d’ailleurs que l’auteur mette cette illusion au service de son intrigue. C’est le cas dans Le Horla, de Maupassant : le lecteur finit par se demander si la nouvelle est fantastique ou si le narrateur est fou. Le fantastique a besoin du réalisme pour se déployer avec force et ambiguïté. La littérature jeunesse use et abuse du genre et les journaux factices de collégiens figurent parmi les best-sellers. La rentrée littéraire prouve d’ailleurs que le faux journal intime n’a pas fini de surprendre ! Il suffit de tourner les pages du roman graphique Moi, ce que
j’aime, c’est les monstres (Monsieur Toussaint Louverture – voir notre numéro précédent). L’illustratrice Emil Ferris imagine le carnet de son héroïne de 10 ans.
C’est déroutant et puissant… Comme pourrait l’être un vrai !