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Histoires de ma vie

Le sulfureux Pierre Guyotat raconte son entrée dans l’âge adulte au fil d’un nouveau volume autobiogra­phique essentiel.

- A.F.

Pierre Guyotat fait partie des écrivains qui divisent.

Qui enflamment leurs lecteurs ou les laissent sur le carreau. L’oeuvre de celui qui a vu le jour le 9 janvier 1940 à Bourg- Argental, village de moyenne montagne de la Loire, a toujours mélangé l’expériment­ation et l’autobiogra­phie avec la plus grande singularit­é. Sa carrière d’écrivain démarre au tout début des années 1960, dans la collection « Écrire » du Seuil qui accueille son premier texte, Sur un cheval.

Rédigé entre 1963 et 1965 et paru six ans plus tard dans la collection « Le Chemin » de Gallimard, Tombeau pour cinq cent mille soldats comporte, quant à lui, sept chants portés par une langue fiévreuse et bouillonna­nte de

sang et de semence. On y plonge dans une ville en bord de mer, Ecbatane, peuplée d’esclaves et de mendiants, de garçons et de filles, de soldats et de rebelles qui vivent dans les grottes. L’auteur va encore plus loin, en 1970, avec l’hallucinan­t Eden, Eden, Eden. Un volume, triplement préfacé par Roland Barthes, Michel Leiris et Philippe Sollers, qui explose les cadres et crée un langage. Provoquant alors le scandale au point d’être frappé d’interdicti­on (jusqu’en novembre 1981) à l’affichage, à la publicité et à la vente aux mineurs par le ministère de l’Intérieur. Et ce, malgré la mise en place d’un comité de soutien où l’on trouvait notamment Kessel et Genet, Sartre et Calvino, et la défense de Georges Pompidou et de François Mitterrand. En pleine tempête, Eden, Eden, Eden manqua à une voix d’obtenir le prix Médicis, entraînant la démission de Claude Simon.

REVOICI LE JEUNE PIERRE

Pierre Guyotat n’a jamais cessé d’avancer. Il a travaillé pour le théâtre, collaboré avec le peintre Sam Francis. Traversé des dépression­s au point de tomber dans le coma. Ce qu’il a plus tard couché sur le papier dans le volume du même nom, couronné en 2006 par le prix Décembre, ouvrant d’éclatante manière une série prolongée par Formation, dans lequel il revient sur ses années rurales et Arrière-fond, où il nous fait revivre l’été de ses 15 ans en Angleterre.

Le présent Idiotie est de la même veine. Revoici le jeune Pierre qui a quitté Lyon et le pensionnat pour Paris. Il traîne, erre, gagne quelque argent comme coursier d’une petite maison de couture, croise de drôles de personnage­s, des couleuvres et des rats musqués. Avant de partir servir en Algérie, d’y être accusé de démoralise­r les troupes et de tâter du cachot. Une pièce majeure d’un auteur qui annonce pas moins de cinq titres en préparatio­n.

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 ??  ?? ★★★★☆ Idiotie par Pierre Guyotat, 256 p., Grasset, 19 €
★★★★☆ Idiotie par Pierre Guyotat, 256 p., Grasset, 19 €

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