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Amère révolution

Quatre ans après Automobile Club d’Égypte, sur les années 1940, Alaa El Aswany offre le roman que l’on attendait de lui sur le Printemps arabe.

- Hubert Artus

L’Égypte a quelque peu changé, et Alaa El Aswany aussi, lui qui fut très présent place Tahrir, lors des événements de 2011. Une chose n’a cependant pas changé dans ses fictions, toujours chorales : elles lient et délient des destins personnels. Quatrième roman de l’écrivain égyptien, J’ai couru vers le Nil est interdit de publicatio­n dans son pays. En cause : il y démontre comment le régime est parvenu à retourner la révolution à son profit ! Et ce, à travers une galerie de personnage­s puisés dans des échelons très divers de la société cairote : le général Ahmed Alouani pour commencer, richissime chef de la sécurité d’État. Puis sa fille, Dania, qui soigne les blessés durant les manifestat­ions. Il y a aussi Khaled, fils

d’un chauffeur de taxi, ou Mazen, ouvrier qui s’éprend d’Asma dès le début des rassemblem­ents. Et Issam, un communiste qui ne sait comment éviter les Frères musulmans. Sans oublier cette speakerine de la télévision égyptienne qui renverse ses idéaux pour devenir une icône.

Autant de personnage­s qui incarnent chacun une facette de la société, mais surtout une manière de traverser ou d’épouser le mouvement. Alaa El Aswany dépeint un régime qui, toujours militaire, instrument­alise une guerre entre chrétiens et musulmans pour se légitimer. Une compositio­n romanesque aussi radieuse qu’effroyable sur l’infiltrati­on d’un poison nommé « contre-révolution ».

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 J’ai couru vers le Nil (Al-Joumhouriy­ya Ka’anna) par Alaa El Aswany, traduit de l’arabe (Égypte) par Gilles Gauthier, 432 p., Actes Sud, 23 €

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