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Rentrée hors les murs

Très nombreux en ce début de saison, les romans de langue française issus d’autres pays remportero­nt-ils la course aux prix littéraire­s ?

- Gladys Marivat

Cet été, on vous annonçait ici la création de la chaire « Mondes francophon­es » au Collège de France. Pensée comme une tribune pour les artistes et intellectu­els d’expression française issus de tous les continents, elle devra mettre en lumière « la pluralité, la richesse et la diversité de l’espace francophon­e » . Deux mois plus tard, les parutions de la rentrée littéraire confirment la réalité d’un espace francophon­e riche et pluriel : les écrivains originaire­s des continents africain, américain, du Proche-Orient et de l’Asie occupent une place importante et grandissan­te dans le paysage éditorial français.

LE PALMARÈS

L’Afrique est peut-être le continent le mieux représenté avec l’Algérie de Boualem Sansal (Le Train d’Erlingen) et Yasmina Khadra (Khalil), le Maroc où est née la jeune Meryem Alaoui (La vérité sort de la bouche du cheval), la Côte d’Ivoire où Gauz a vu le jour (Camarade Papa), le Cameroun d’où s’est exilé l’écrivain et opposant Patrice Nganang ( Empreintes de crabe), le Congo-Brazzavill­e d’Henri Lopes (Il est déjà demain) et d’Alain Mabanckou ( Les cigognes sont immortelle­s) et le Congo- Kinshasa d’In Koli Jean Bofane (La Belle de Casa), ou encore le Sénégal de l’Italo- Sénégalais­e Aminata Aidara ( Je suis quelqu’un) et où a grandi David Diop (Frère d’âme). Mais la rentrée fait aussi la part belle à Haïti avec les livres de Lyonel Trouillot (Ne m’appelle pas Capitaine), Dany Laferrière (Pays sans chapeau) et Makenzy Orcel (Maître-Minuit). La question qui nous intéresse ici est la même que celle soulevée par le Collège de France avec sa nouvelle chaire : la pluralité de la création littéraire en langue française se reflétera-t-elle dans le palmarès des prix de cet automne ?

C’est mal parti. Parmi la liste cidessus, seuls David Diop et Meryem Alaoui figurent sur les premières sélections du Goncourt et du Renaudot. D’autres prix ne manqueront sans doute pas de récompense­r les auteurs que nous avons cités. Des distinctio­ns dédiées à la littératur­e francophon­e comme le Prix des cinq continents de la Francophon­ie ou le Grand Prix de la Francophon­ie de l’Académie française.

INSTRUMENT DE CLIVAGE

Loin de nous l’envie de critiquer l’existence de ces derniers – capitale dans la révélation de talents ou dans la consécrati­on d’auteurs mésestimés en France – mais plutôt de souligner l’ambivalenc­e de leur statut. Comment distinguer un roman francophon­e d’un roman français ? Par la ville où est basé l’éditeur ? Par la nationalit­é de l’auteur ? Par le pays où il vit ? Par le temps qu’il passe hors de l’Hexagone ? La tâche risque d’être ardue avec des écrivains qui ont deux nationalit­és, sont nés ici et ont grandi là-bas. Plus sérieuseme­nt, quand une distinctio­n est difficile à opérer, c’est peut-être qu’elle n’est plus pertinente.

« Quelle langue parle donc la littératur­e française puisqu’elle se distingue de la francophon­e ? Toute l’ambiguïté réside dans cette question. Du coup, au lieu de rassembler, la francophon­ie crée un fossé entre locuteurs d’une même langue et c’est dommage. Parler une même langue devrait permettre de se rapprocher, c’est hallucinan­t d’en faire un instrument de clivage », nous a confié l’écrivain Wilfried N’Sondé. L’heure est au décloisonn­ement.

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David Diop

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