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Un conte, deux fées

Grâce à l’héroïne, magnifique, de son premier roman, Adeline Dieudonné signe un des succès de la rentrée 2018. Portrait.

- Hubert Artus

À «chaque annonce, mon éditrice et moi commençons par crier très fort, puis on pleure aussi fort… de joie ! », se réjouit-elle quelques jours après la nouvelle de sa sélection pour le prix Goncourt. Par ailleurs, Prix du roman FNAC, La Vraie Vie est un conte noir, sur fond de violence familiale, de prédation paternelle avec, au centre, deux enfants de 6 et 10 ans.

TÊTES DE HYÈNES ET D’IMPALAS

Mais, dans la (vraie) vie de son auteure, ce premier roman devient un conte de fées. Il prend pourtant racine dans une période de chômage et une crise existentie­lle qu’Adeline Dieudonné traversait à 33 ans. « Qui plus est, c’était début 2015, au moment des attentats à Charlie Hebdo, ajoute-t-elle. Une période de grande peur, pour moi comme pour tout le monde, nous faisant prendre encore plus conscience de la violence qui nous entourait ». Sur cette violence (sociale et familiale), elle poursuit : « Je ne l’ai jamais expériment­ée dans le couple, mais je pense qu’en tant que femme, on a l’habitude d’avoir peur, car la menace est encore plus présente, diffuse. »

Quand Adeline Dieudonné fut convaincue de passer à la forme longue – elle avait déjà publié un recueil de nouvelles en Belgique –, c’est une petite voix qui tinta en premier, précédant toute intrigue ou idée. Celle de sa narratrice de 10 ans, mise en scène avec justesse dans La Vraie Vie. Logique, pour une femme qui, si elle travaille aujourd’hui dans la production cinématogr­aphique, débuta par le théâtre avec sa pièce Bonobo Moussaka, qu’elle a écrite et interprété­e seule en scène l’an dernier.

Cette petite fille dont on ne saura jamais le nom, et qui entoure son frère Gilles, 6 ans, d’une « tendresse de mère » va fabriquer (oui, de ses mains) une sorte de caisson à remonter le temps, alors qu’un drame semble faire sombrer le cadet dans la même sauvagerie que le père ; lequel bat sa femme, braconne et collection­ne les têtes de hyènes et d’impalas. « À la maison, il y avait quatre chambres. La mienne, celle de mon petit frère Gilles, celle de mes parents et celle des cadavres. […] Et dans un coin, il y avait la hyène. Tout empaillée qu’elle était, elle vivait, j’en étais certaine » : on entre ainsi dans ce roman, qui est autant un thriller qu’une chronique sociale, adolescent­e et familiale. Il est alors difficile de ne pas être secoué par une voix narrative qui alterne, sans prévenir, entre le tragique et la comptine.

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 ??  ?? HHHII La Vraie Vie par Adeline Dieudonné,
270 p., L’Iconoclast­e, 17 €
HHHII La Vraie Vie par Adeline Dieudonné, 270 p., L’Iconoclast­e, 17 €

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