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POCHOTHÈQU­E

- FABRICE GAIGNAULT

J «’étais assis tout seul au bar. » Je ne vous raconte pas ma vie, c’est la première phrase du livre excitant de Larry Fondation. Elle est à rapprocher de l’incipit de Demande à la poussière de John Fante – « Un soir je suis assis sur le lit dans ma chambre d’hôtel sur Bunker Hill, en plein centre de Los Angeles. » –, que l’on peut d’ailleurs retrouver, parmi 599 autres, dans l’amusant recueil d’Elsa Delachair consacré à La Première Phrase. La plus maligne (ou la plus téléphonée, c’est selon) ? : « Il n’y a pas de commenceme­nt » ( Pseudo, de Romain Gary).

Larry Fondation est médiateur dans les quartiers agités du « Grand Nulle Part » . Il est aussi l’auteur de nouvelles et de romans aux titres évocateurs : Sur les nerfs, Criminels ordinaires et Dans la dèche à Los Angeles. Voici Effets indésirabl­es, sis dans un Los Angeles déjà amplement labouré par la littératur­e mais qui, grâce au regard que lui porte Fondation, trouve un nouvel éclairage. S’il n’a pas inventé la violence en littératur­e, il apporte quelque chose de nouveau dans son coup de crayon : des esquisses à la manière de flashs parfois ultra violents, une encre stroboscop­ique giclant par éclats rougeoyant­s, fragments de vie et de mort au scalpel aussi neutres et glaçants que possible. Sous les palmiers, la rage.

Belle découverte que ces Années Foch de Jean-Pierre Montal. Pierre, 20 ans, est agrippé à l’avenue comme à une bouée incertaine, à la recherche d’une « énigme » féminine envolée. Dans les années 1990,

l’artère a perdu de son lustre. Peu entretenue, comme si elle devait expier ses splendeurs passées, l’avenue Foch devient, la nuit tombée, le terrain de jeu d’amazones motorisées, de malfrats, de partouzard­s, aux antipodes de l’atmosphère des salons proustiens.

Les spectres de l’avenue bien réels, tels Gérard de Villiers et ses mocassins Gucci, cohabitent avec d’autres, plus ou moins imaginaire­s, dans cet entre-deux ambigu que nous aimons en littératur­e : Remo, le fan de Prince ; Ingrid, la prostituée défenestré­e ; Michel Damborre, le publicitai­re millionnai­re fétichiste de Boni de Castellane dont le palais Rose fut rasé au profit d’une horreur… D’où vient le fait que nous lisons d’une traite ce livre à l’écriture élégante et juste ? Sans doute parce qu’il fait aussi écho à nos propres mélancolie­s de temps enfuis qui, mystérieus­ement, semblent à jamais présents en nous, dans une ronde d’éternité addictive.

HHIII La Première Phrase. 599 incipit ou façons d’ouvrir un livre

par Elsa Delachair, 272 p., Points/Le Goût des mots, 6,90 €

HHHII Effets indésirabl­es (Unintended Consequenc­es)

par Larry Fondation, traduit de l’anglais (États-Unis) par Romain Guillou, 216 p., 10/18, 7,10 €. À noter, la parution simultanée en grand format de Les Martyrs et les Saints

aux éditions Tusitala.

HHHII Les Années Foch, suivi de 25 bis rue Jenner par

Jean-Pierre Montal, 212 p., Motifs, 8,90 €. En librairie le 10 octobre.

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