DOSSIER LE JOURNAL INTIME
Dans les coulisses d’un genre autobiographique
« Cher journal » : nous sommes nombreux à avoir, un jour ou l’autre, écrit ces deux mots sur un carnet – à l’adolescence ou plus tard. Un bloc de papier peut ainsi devenir un ami, un confident, auquel on livre notre quotidien, nos songes, nos bonheurs ou angoisses. Une forme de psychanalyse ? Si raconter sa vie au jour le jour est une activité de l’écriture, relève-t-elle pour autant de la littérature ? C’est ce que le présent dossier tend à démontrer, non pas à travers des conseils pratiques (à chacun sa manière d’écrire) ou les expériences de diariste des uns et des autres (là encore, elles varient…), mais au regard des grands exemples du genre dans la littérature. Car, oui, on y trouve de nombreuses oeuvres majeures, de Franz Kafka à André Gide en passant par Virginia Woolf, Paul Léautaud, Jules Renard et tant d’autres. Sans oublier le célèbre Journal d’Anne Frank (voir notre « Biographie d’un classique »). Il ne s’agit pas de disserter sur chacun d’entre eux (lisez-les, tant pour le contenu que, très souvent, la beauté de la langue, libérée) mais de s’interroger sur quelques caractéristiques du journal en tant que forme littéraire dégagée des autres carcans de l’écriture de soi. Dans un cahier – ou sur un blog –, on raconte les faits, tout en ayant la possibilité, volontairement ou non, de fictionnaliser le réel. Aussi les journaux, lorsqu’ils sont lus longtemps après leur rédaction, peuvent s’avérer de formidables témoignages sur la vie de leur auteur, sur sa condition (sexuelle, notamment) ou sur la société de l’époque (en particulier le milieu littéraire). Il ne faudrait pas oublier pour autant le mot « intime », stimulant nos désirs voyeuristes. Et, ici, pour voir, il faut lire…