SCIENCES / GASTRONOMIE
Laura Spinney examine avec rigueur la terrible grippe de 1918 et en tire les réflexions qui s’imposent sur l’avenir.
La grippe espagnole : un nom étonnant pour la plus grande pandémie qui ait frappé le monde puisqu’elle n’est pas arrivée d’Espagne. Elle a causé entre 50 et 100 millions de morts. Plus que la Première Guerre mondiale – 17 millions de morts – ou que la Seconde Guerre mondiale – 60 millions de morts. Plus que la peste noire du xvi e siècle, avec ses 34 millions de disparus. Jamais on n’avait vu un désastre aussi foudroyant. En un clin d’oeil, treize semaines, de septembre à décembre 1918, la maladie se répand sur tous les continents.
FIÈVRE ET DENTS QUI TOMBENT
Même si la plupart meurent des complications pulmonaires de leur mal, le monde médical est incapable de l’expliquer, encore moins de le soigner. La sphère politique, quant à elle, est focalisée sur la fin de la guerre et en minimise la gravité. Un siècle après, Laura Spinney analyse, dans La Grande Tueuse, la première pandémie des temps modernes *. Pour nous mettre en garde contre la prochaine à venir.
Cette maladie a une longue histoire. En 1889, la grippe russe avait fait des ravages. Celle-ci est bien pire. Outre la fièvre et les troubles respiratoires, les cheveux et les dents tombent, la peau devient noire. On évoque le typhus, le choléra, la peste. On soigne à coups d’aspirine, d’arsenic, de mercure. Pour finir par se réfugier dans les religions. La journaliste scientifique s’interroge sur l’origine de l’épidémie. Trois sources sont évoquées : les États-Unis, la France et la Chine. La combinaison entre une souche humaine et une autre aviaire rend le virus incroyablement dangereux. Mais à l’époque, on ne connaît pas les virus. Les retombées sont terribles. Des orphelins par centaines de milliers, des générations amoindries…
Laura Spinney raconte la grippe dans des lieux choisis : New York, l’Iran, l’Inde de Gandhi, les îles Samoa, entre autres. Les conséquences sont énormes sur les politiques sanitaires, jusqu’à la création de l’Organisation mondiale de la santé. Surtout, l’auteure consacre des pages inquiétantes à notre temps. Une nouvelle pandémie est inévitable. Mais comment la prévenir, organiser les soins, parler aux populations ? Une réflexion indispensable.
* À noter aussi la récente parution de
La Grande Grippe. 1918. La pire épidémie du siècle
par Freddy Vinet, 264 p., Vendémiaire, 22 €.