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LITTÉRATUR­E FRANÇAISE

Quatre ans après un roman noir des plus marquants, Nicolas Mathieu revient dans ses contrées du Grand Est avec un récit tout aussi social, sis dans les années 1990 : Leurs enfants après eux.

- Hubert Artus

Cette rentrée dessine, pour Nicolas Mathieu, un bel alignement des planètes, à savoir une double actualité : la sortie de son second roman et la diffusion, cet automne sur France 3, d’une mini-série adaptée du précédent*. Bien des choses ont changé depuis la publicatio­n, en 2014, de son premier roman Aux animaux la guerre – un livre ambitieux et magistrale­ment réussi, dans la filiation de Gérard Mordillat ou de Jean-Patrick Manchette. Mathieu habitait alors Paris. De milieu modeste, titulaire d’une licence en histoire de l’art et d’une maîtrise en cinéma, il vivait de jobs temporaire­s (comme greffier pour des comités d’entreprise). En couple et devenu père, il traversa ensuite un burn out, une séparation, et retourna à Nancy. C’est alors que le projet de mini-série se déclara. Mathieu la coécrira avec le réalisateu­r Alain Tasma. Aujourd’hui, il avoue que cette année de « travail intense » l’a « guéri ». En 2016, il a repris les 150 pages de brouillon du deuxième livre, les a jetées

( « c’était à chier ! » ) . Dix- huit mois après, il achevait ce roman.

Aux animaux la guerre se déroulait sur fond de plan social dans une usine des Vosges, d’employés en grève, de fuite en avant vers la petite délinquanc­e, et de bandes de jeunes qui ne rêvaient que de partir. Leurs enfants après eux se situe dans la même région : à Heillange, une ville fictive avec des hauts fourneaux, derrière laquelle on reconnaîtr­a (en partie) Hayange. Ainsi le natif d’Épinal

(en 1978) retourne-t-il dans le « décor » où il a grandi. « Pour moi, ce paysage possède deux singularit­és au moins, nous confie-t-il. D’une part la présence d’une nature forte : les Vosges, c’est les forêts de sapins qui donnent un côté Twin Peaks. D’autre part, toutes ces villes en “ange” de la vallée de la Fensch, comme Florange, forment un décor post-industriel impression­nant, un véritable cimetière des éléphants, qui parle du passé des habitants. »

UNE OMBRE SUR LA VIE DES GENS Ces territoire­s, ces « habitants », il les avait déjà côtoyés pour le travail de terrain d’Aux animaux la guerre : « Les hauts fourneaux, à Hayange, sont pile au centre de la ville, tout y conduit. L’arrêt de leur activité, c’est comme si le coeur de la ville s’était arrêté. Du point de vue dramaturgi­que, c’est extrêmemen­t fort. Ça amène une espèce d’ombre portée sur la vie des gens. »

Ce sont néanmoins des ombres plus personnell­es et génération­nelles que notre frais quadragéna­ire invoque ici. Leurs enfants après eux débute en 1992, et s’achèvera six ans plus tard. Il est organisé en quatre parties, quatre étés ( 1992, 1994, 1996 et 1998) qui sont plus encore des tableaux, voire des saisons. Au commenceme­nt, Anthony, 14 ans, traîne avec son cousin, et les deux vont dérober un canoë pour traverser un lac : en face, il y aurait des « culs nus ». Ils n’en verront point. Mais ils verront Clem et Steph, deux filles d’un milieu plus aisé. Anthony tombe sous le charme. Bientôt, il y aura une moto empruntée pour aller retrouver les filles à une soirée, et des mecs en survêt’ qui s’incrustent et renversent tout…

DES MONDES SUSPENDUS

Bien des choses ont changé, mais il n’y a rien d’innocent à ce que des (grands) enfants portent ce roman ni à ce que d’autres, comme nous, puissent aujourd’hui le lire. Ainsi s’échafaude le roman, fait des portraits de jeunes qui, en quelques années, vont grandir : Anthony, Hacine, Steph, Clem, entre autres, ces boules de doutes, de premières fois, de déceptions, d’erreurs, de petits bonheurs. Leur point commun : ces années 1990, époque où l’auteur avait le même âge qu’eux. « Un moment historique de flou, entre chute du Mur et chute des Twin Towers », selon Nicolas Mathieu. Résultat : tout le livre est habité par des mondes suspendus, en devenir. Mais quel sera le futur ?

* Aux animaux la guerre, mini-série en 6 épisodes de 52 mn, réalisée par Alain Tasma, avec Olivia Bonamy et Roschdy Zem, France 3, diffusion à venir (dates non communiqué­es).

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HHHHI Leurs enfants après eux par Nicolas Mathieu, 432 p., Actes Sud, 21,80 €

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