L’AMOUR À LA PAGE
Avec le remarquable Doubles vies, Olivier Assayas signe un marivaudage dans le milieu de l’édition, soudain confronté à la révolution numérique.
C’est le progrès. Ou, du moins, c’est un changement qui se profile – inexorablement ? Quadragénaire bien installé professionnellement, Alain (Guillaume Canet) dirige une fameuse maison d’édition « à l’ancienne », avec une ligne classique, mais qui doit soudain se remettre en question avec l’essor des pratiques numériques.
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Le meilleur symbole de ce chamboulement s’incarne en une personne, séduisante ( et qui parle très vite) : la nouvelle préposée à ce domaine, Laure (Christa Théret), jeune femme surdiplômée et ambitieuse avec laquelle Alain ne tardera pas à entamer une liaison. L’épouse de ce dernier, actrice connue pour son rôle dans une série policière (Juliette Binoche) a, elle aussi, une aventure adultère – avec un auteur d’autofiction, Léonard (Vincent Macaigne), dont Alain… vient de refuser le dernier manuscrit ! Qui, d’ailleurs, aurait envie de lire un texte tel que celui-ci en papier ou en « e-book », à feuilleter sur son smartphone ? Et, plus généralement, les livres ont-ils encore un avenir ?
Avec une grande finesse d’écriture et une belle fluidité de mise en scène, Olivier Assayas décline les couples et les paires dans Doubles vies. Au-delà du marivaudage germanopratin, le cinéaste offre un portrait juste et savoureux du milieu de l’édition, jusque dans son quotidien le plus pratique. Et lorsqu’il évoque la révolution numérique dans le milieu du livre, cet obsédé de la question du virtuel évoque en creux les mutations dans les domaines du cinéma, sans pour autant tomber dans le piège du film-dossier. Le metteur en scène de Sils Maria distille un ton entre sérieux et légèreté particulièrement plaisant, qui permet aux comédiens, tous remarquables, de donner le meilleur d’euxmêmes. On aura une tendresse particulière pour Nora Hamzawi, épatante en attachée parlementaire et compagne de ce boulet d’écrivain narcissique !
Baptiste Liger ■ Doubles vies d’Olivier Assayas, en salles le 16 janvier