Le sillon de la gloire
Le journaliste arménien de Turquie, assassiné en 2007, est au coeur du roman sublime de Valérie Manteau, prix Renaudot surprise.
Seul roman publié à la rentrée par Le Tripode, Le Sillon ne figurait pas parmi les quatre finalistes du Renaudot. À la surprise générale, le second roman de l’ancienne de
Charlie Hebdo a été repêché, faisant de son auteure la seule femme distinguée dans la catégorie fiction des grands prix littéraires de novembre. L’écrivaine de 33 ans a été révélée en 2016 avec
Calme et Tranquille, roman sur l’effraction du chaos dans nos vies, inspiré par les attentats de Paris. Son style, à la fois épuré et poétiquement dense, sa manière de s’engager intimement dans la description de notre époque, mêlant le récit et la fiction sans jamais verser dans l’égotisme, font de Valérie Manteau un écrivain à part.
Le Sillon nous emmène à Istanbul dans les pas d’une jeune femme venue retrouver son amant. Très vite, leur relation se délite comme cette ville où la liberté s’effrite, la précarité des
migrants inquiète, les attentats effraient et la violence d’État plombe tout. La narratrice observe la ville et son amant, boit des cafés, déambule entre les chats et, surtout, écoute les habitants. Tout la mène à Hrant Dink, dont l’esprit critique, la verve ironique, la complexité lui ont coûté la vie, comme aux membres de Charlie Hebdo après lui. Le journaliste turc d’origine arménienne a été tué en 2007 devant les locaux d’Agos par un nationaliste de 17 ans. Cet hebdomadaire bilingue apparaît dans le livre comme le symbole de ce qui lie étroitement les petits mondes d’Istanbul, la cosmopolite, que chaque jour la politique du président Erdogan menace.
Gladys Marivat
● Le Sillon par Valérie Manteau (Le Tripode)