LA VRAIE VIE
Par Adeline Dieudonné
Cette Vraie Vie, on n’y entre pas, on y est projeté par cet incipit : « À la maison, il y avait quatre chambres. La mienne, celle de mon petit frère Gilles, celle de mes parents et celle des cadavres. […] Et dans un coin, il y avait la hyène. Tout empaillée qu’elle était, elle vivait, j’en étais certaine, et se délectait de l’effroi qu’elle provoquait dans chaque regard qui croisait le sien. » Nous sommes dans le quartier pavillonnaire d’une ville indéfinie. Au sein d’une famille ordinaire en apparence, qui dissimule les violences : le père, chasseur et alcoolique, bat la mère. La fille aînée (on ne saura jamais son prénom), 10 ans, décide de protéger son frère Gilles, 6 ans. À sa façon, comme une maman. D’autant que leur mère, elle, s’avère bien trop faible.
Commencée comme un conte adolescent, l’histoire nous mène aux racines du mal familial, psychologique, avec quelques accents de cocasserie. Le lecteur ira au bout du suspense : le père parviendra-t-il à déjouer les desseins de sa fille ? Pourquoi Gilles se met-il à tuer et à torturer les chats et les chiens du quartier ? Double intrigue familiale, violence et non-dits : le dispositif narratif développé par Adeline Dieudonné relève d’une construction maîtrisée. Avec cette héroïne, adulte avant l’heure, elle en appelle à des âges et à des peurs qu’ont affrontés tous les lecteurs. Elle ne recule pas devant le tragique, quitte, il est vrai, à en abuser dans certains passages. Malgré des personnages parfois trop schématiques, on saluera toutefois ce roman (ayant reçu le prix du Roman Fnac et le Renaudot des lycéens) combinant thriller, chronique sociale et une certaine ode à la féminité.
● La Vraie Vie par Adeline Dieudonné (L’Iconoclaste)