La fille de Brooklyn
Incarnés dans son ouvrage par une congrégation de religieuses, les thèmes de l’abnégation et du don de soi mis en avant par l’Américaine Alice McDermott sont brillamment portés par son écriture.
Alice McDermott – Prix Femina étranger 2018 pour La Neuvième Heure –, a les qualités de ce qu’elle écrit : délicatesse, bienveillance, subtilité, humour à toute épreuve. À 65 ans, elle garde l’air de jeunesse de ceux qui ne seront jamais blasés, vindicatifs, aigris.
Bien qu’elle vive près de Washington, car elle enseigne la littérature à l’université Johns-Hopkins, elle demeure attachée au Brooklyn de son enfance – elle y est née le 27 juin 1953. Elle l’a quitté assez tôt pour faire ses études, d’abord à l’école Saint-Boniface d’Elmont, à Long Island, puis à l’université d’État de New York à Oswego, à celle du New Hampshire enfin, où elle a obtenu son master en 1978. Mais elle revient toujours à Brooklyn avec bonheur, elle aime y convier ses amis, pour les emmener dîner, après une longue promenade.
Dans plusieurs de ses romans, dont Someone et La Neuvième Heure, elle ressuscite le Brooklyn du début du xx e siècle, bien avant qu’il ne devienne un quartier à la mode. Toute une communauté irlandaise y vivait. Des gens modestes, durs à la tâche, qui avaient fui une Irlande où la vie était plus dure encore. Essentiellement des catholiques, avec lesquels elle partage la religion, tout en avouant qu’elle n’est
« pas une très bonne catholique ».
« ELLE GARDE L’AIR DE JEUNESSE DE CEUX QUI NE SERONT JAMAIS BLASÉS, VINDICATIFS, AIGRIS »
LE CHEMIN DE LA MÉMOIRE
Se promener avec elle dans Brooklyn, c’est comme arpenter Newark (New Jersey) avec Philip Roth. Dans un immeuble qui n’a presque pas changé, elle revoit l’appartement de sa mère. Dans un autre résidaient sa grand-mère, ses tantes. Du couvent, où se situe La Neuvième Heure, il ne reste rien, mais elle sait retrouver l’endroit exact où vivaient les religieuses qu’elle met en scène dans le roman. Elle est infatigable lorsqu’elle remonte le chemin de sa mémoire. On peine à la suivre, et la halte dans un restaurant est bienvenue. Pour son livre le plus connu Charming Billy – une histoire autour d’un destin énigmatique, où les frontières entre fiction et réalité sont parfois brouillées –, Alice McDermott a été récompensée par le National Book Award 1998 et l’American Book Award 1999. En 2010, elle a reçu le prix Fitzgerald « for Achievement in American Literature », preuve qu’elle est considérée comme un écrivain accompli. Toutefois, aux États-Unis comme en France, elle n’est pas encore reconnue à la hauteur de son talent. Josyane Savigneau
La Neuvième Heure
par Alice McDermott
(La Table Ronde)