Familles décomposées
Non, la vie n’est pas un long fleuve tranquille ! En témoignent les personnages cabossés, désorientés et souvent hors norme décrits par Isabelle Carré et Emmanuelle Bayamack-Tam dans leur roman respectif.
Plus les familles sont étranges, plus elles donnent de bons livres. L’année a commencé en fanfare avec la parution du premier roman d’inspiration autobiographique d’Isabelle Carré, Les Rêveurs, couronné notamment par le Grand Prix RTLLire. La comédienne y met en scène un père, une mère et une fille aussi fracassés les uns que les autres contre le mur de la vie. Papa vient d’un milieu provincial et populaire. Il va devenir un designer important, connaître moult changements et déboires. Maman, elle, a bravé l’ordre bourgeois pour imposer ses choix. Avant de sombrer dans la dépression pour mieux renaître. Leur fille les regarde évoluer dans un appartement au décor seventies assez délirant. Et comprend qu’elle pourra s’en sortir et aller à la rencontre des autres grâce au théâtre. Ce qu’Isabelle Carré raconte avec une écriture aussi douce que poétique qui laisse présager un bel avenir littéraire.
MAISON POUR FREAKS
On connaissait déjà la langue bouillonnante d’Emmanuelle Bayamack-Tam. Après Je viens, elle va encore plus loin avec Arcadie. Un conte déjanté sur le monde moderne, porté par des personnages hors normes et un flux narratif impressionnant. Le lecteur y accompagne les émois de la jeune Farah qui grandit, avec ses parents et sa grandmère, au sein d’un phalanstère à l’abri des nouvelles technologies. Ultime refuge pour les freaks, Liberty House est une société fondée sur l’amour libre et le désir sans fin. Créature intersexuée, Farah est dingue de son père spirituel, Arcady, qui résiste régulièrement à ses avances ! Chorégraphe impeccable, Emmanuelle Bayamack-Tam s’autorise toutes les fantaisies et les provocations.
BIENTÔT À ÉCOUTER
On se réjouira d’apprendre que son Arcadie va bientôt avoir une seconde vie. Et sortir en février prochain dans la collection « Écoutez lire » avec pour narratrice… Isabelle Carré ! Par ailleurs, on n’oubliera pas l’autre portrait de famille ayant marqué l’année, celui brossé par la Belge Adeline Dieudonné [voir page 49] dans La Vraie Vie, qui a d’emblée rencontré son public. Envoûté par la noirceur et la maîtrise d’une débutante déjà en pleine possession
de ses moyens.