L’édito de Baptiste Liger
Plus on est de fous (de livres), plus on lit. Et, dès lors, on échange sur tous les ouvrages que l’on a aimés (ou pas) durant ces douze derniers mois. Voilà l’esprit du traditionnel numéro de fin d’année de Lire, où étaient évoqués, jusqu’alors, les « meilleurs livres de l’année » – traditionnellement au nombre de vingt. L’exercice, rituel, était plaisant, comme une émanation des goûts des rédacteurs du magazine. Mais – puisque l’autocritique est toujours salutaire – peut-être manquait-il une dose, disons, d’objectivité journalistique afin d’offrir un panorama de l’année éditoriale et littéraire, hors des enthousiasmes des uns et des autres (par ailleurs nécessaires, et constituant l’identité du journal). Voilà pourquoi nous avons décidé, cette fois-ci, de proposer une nouvelle formule de ce numéro, avec un dossier plus général sur les mois passés, qui se résumerait par un chiffre rond, emblématique et usuel : 100. Dans les pages centrales de cette édition, vous découvrirez ainsi un panorama de 2018 à travers les livres parus dans toutes les catégories habituelles. Se côtoient ainsi librement, rubrique par rubrique (romans français, romans étrangers, essais, etc.), non seulement les oeuvres que nous avons préférées ou qui nous ont le plus intéressés, mais aussi d’autres volumes ayant marqué l’année, en raison de l’engouement du public ou du débat qu’ils ont pu susciter.
François Hollande dans Lire ?
Ainsi, si nous n’avons guère été convaincus par le dernier roman de Joël Dicker, La Disparition de Stephanie Mailer, il paraissait difficile de passer sous silence sa sortie, car il est l’un des romans les plus lus et commentés cette année… Peut- être plus étonnant encore, vous trouverez dans ce numéro… François Hollande ! Quoi ? Que vient faire l’ancien président de la République dans Lire ? Attention, il ne s’agissait en rien de parler politique avec lui, mais de revenir sur sa très longue série de dédicaces, dans toute la France, à l’occasion de la publication des Leçons du pouvoir – un livre dont le succès a surpris tout le monde. Et, qu’on apprécie ou non l’homme et son bilan, son témoignage se révèle très instructif sur ce que représente, aujourd’hui en France, l’objet livre. Ces deux exemples illustrent ce désir de faire un tant soit peu abstraction de ses penchants naturels pour mieux revenir sur les événements du moment, sur l’air du temps, sur l’avis des autres aussi. À ce titre, il nous a également semblé intéressant d’ouvrir cette sélection générale et d’y faire participer des libraires (que nous remercions), ainsi que la station RTL, avec laquelle nous entretenons depuis bien longtemps des relations complices et amicales.
Le Lambeau
Une année doit trouver son symbole. Et ce sera celui du livre de l’année. À vrai dire, le choix n’a guère été difficile car nous avons, unanimement, désigné Le Lambeau de Philippe Lançon. Comme une évidence. Le seul témoignage aurait pu, naturellement, nous bouleverser. Mais, bien au-delà du récit de reconstruction – tant physique que mentale –, c’est surtout l’ambition et la force littéraires de ce projet qui auront marqué tous ceux qui l’ont lu. Impossible d’oublier certaines pages : la rédaction de Charlie soudain assaillie ou des descriptions inattendues à l’hôpital. Outre cet authentique chef-d’oeuvre, on pourrait ajouter d’autres instantanés forts pour lesquels un éditorial peut aussi assumer une part de subjectivité. Et l’auteur de ces lignes aimerait alors insister sur la beauté du style de Pauline Delabroy-Allard dans Ça raconte Sarah, l’imagination d’Emil Ferris avec Moi, ce que j’aime, c’est les monstres, l’acuité de No Society de Christophe Guilluy, le brio narratif des Microfictions 2018 de Régis Jauffret ; ou encore sur les sidérantes scènes violentes d’Helena de Jérémy Fel, l’ampleur romanesque du Meurtre du Commandeur de Haruki Murakami et le souffle feuilletonnesque de la fantasy de Steven Erikson (le premier tome de son Livre des Martyrs, qui n’est pas dans le dossier et qui trouve là un petit « rattrapage » !). En espérant que, parmi tous ces ouvrages, vous puissiez trouver votre bonheur. Histoire d’attendre, déjà, les futures parutions de janvier – le nouveau Michel Houellebecq, mais pas seulement…
N.B. : Exceptionnellement, dans ce numéro « rétrospective », nous avons choisi de supprimer les habituelles « étoiles » (redondantes avec les précédentes éditons), ainsi que l’index final (pour éviter des doublons). Vous retrouverez tous ces éléments dès le prochain Lire, qui paraîtra aux alentours du 23 janvier.
L’ambition et la force littéraire du Lambeau