PHILOSOPHIE
Avec Karman, le philosophe Giorgio Agamben, qui fascine les lecteurs français, se penche sur le concept d’action. Génial, encore une fois.
Avec Homo Sacer, réflexion commencée par Le pouvoir souverain et la Vie nue (1997) et achevée avec L’Usage des corps (2015), Giorgio Agamben a forgé toute une série de concepts originaux permettant d’articuler à l’élément du politique l’existence singulière, divisée et clandestine des individus assujettis aux pouvoirs. En puisant aux meilleures sources de la tradition philosophique et juridique, il a, avec des concepts comme ceux de « vie nue », de « forme de vie », de « puissance destituante » ou de « désoeuvrement » , renouvelé les outils et fourni une grammaire permettant à la pensée politique occidentale de sortir des impasses où elle s’est emberlificotée.
L’ACTION, CONCEPT CENTRAL
Dans L’Usage des corps, le philosophe italien n’avait paradoxalement pas abordé le concept d’« action » – pourtant central pour la politique, le droit, l’éthique et la religion –, sinon en creux et, pour ainsi dire, dans l’ombre de celui d’ « usage » . Karman retravaille cet impensé cardinal de la philosophie politique : l’action, en grec la praxis. Dans ce traité alerte et riche, l’archéologie des notions de « cause » et de « faute », de « crimen » qu’il rapproche du sanskrit karman ( « oeuvre » , « action » ) , le conduit à déconstruire les concepts de volonté et de libre arbitre ainsi que les dispositifs d’agencement des moyens aux fins caractéristiques de l’action. Les notions de responsabilité et d’imputabilité en sortent ébranlées et Agamben, pour sa part, conforté dans son idée de montrer qu’un agir libéré de la finalité et de la culpabilité est possible – ce qu’il appelle le « geste ».