« Tout est fait, au niveau de l’État, pour organiser le confort des bobos »
L’académicien Andreï Makine publie Au-delà des frontières, vertigineux roman à tiroirs qui joue avec les idées les plus réactionnaires de l’époque – et leur cherche une issue.
D’où vous est venue l’envie de mettre en scène ces jeunes gens réacs ?
• Andréï Makine. Comme je suis d’origine russe, on voudrait que je ne parle que de la Russie. Non ! La France m’intéresse, et toutes les strates de sa société. J’ai écrit « sur le motif », comme dirait Proust – je connais beaucoup de jeunes à côté desquels le Rassemblement national, ce n’est rien du tout. Ce ne sont pas des monstres ni des intégristes ou des identitaires, juste des orphelins d’une idée nationale. Certains sont très lettrés. Ils m’ont inspiré le personnage complexe de Vivien de Lynden.
Vous ne les jugez pas.
• A. M. Un écrivain n’est pas là pour juger. Et je ne m’en tiens pas à eux. Il est aussi question des Diggers, cette confrérie du futur qui, à l’écart du chaos général, cherche une voie au- delà des frontières biologiques ou sociales.
Malgré cela, on vous sent pessimiste…
• A.M. Il y a une nouvelle d’Ivan Bounine dans laquelle un monsieur lit, dans un train russe, un journal très conservateur, un équivalent du Figaro Magazine. Il toise la foule avec morgue. Et Bounine écrit : « C’était pourtant en novembre 1916. » Qui, en novembre 1916, pouvait prédire le coup de balai phénoménal et destructeur de 1917 ? Aujourd’hui, avec l’islamisation, les Gilets jaunes… Tout est fait, au niveau de l’État, pour organiser le confort des bobos. Ils se sont construit une petite capsule qui vole quelque part dans l’espace. Ça va atterrir où ?