France Bloch-Sérazin, la résistante oubliée
Grâce à un minutieux travail d’archives, l’historien Alain Quella-Villéger rend hommage à cette jeune femme scientifique, juive, communiste et résistante, morte pour la France en 1943.
Elle aurait pu être une juive victime de la Shoah, une communiste martyre du nazisme ou simplement une femme chimiste dans un monde misogyne. France BlochSérazin a préféré être une rebelle, un esprit libre décidé à suivre son coeur. En devenant résistante ! Elle a refusé l’iniquité de son monde en tout point. Voilà pourquoi Alain Quella-Villéger a sous-titré son livre Une femme en résistance.
Cette laborantine, fille de l’écrivain Jean-Richard Bloch et nièce de l’homme de lettres André Maurois, n’a que 26 ans lorsque la guerre éclate. Révolutionnaire dans l’âme, elle rejoint un groupe antifasciste. Frédéric Sérazin, son mari, est arrêté dès mars 1940. Cela n’empêche pas la jeune mère de laisser son bébé seul la nuit pour coller des tracts.
Ce petit bout de femme d’1,57 mètre, aux faux airs de Sarah Bernhardt, met bientôt ses talents universitaires à profit pour confectionner des bombes dans la petite cuisine d’un appartement de l’avenue Debidour. De telles occupations attirent immanquablement l’attention de la Gestapo. Elle échappe à une première arrestation grâce à un autre résistant qui tire sur un policier et lui permet de s’enfuir dans une rame de métro. Le 16 mai 1942, elle est finalement incarcérée puis condamnée à mort. Lors de ses neuf mois de détention, elle fait preuve d’une lucidité et d’un calme stupéfiants. Convaincue d’avoir oeuvré pour une cause juste, elle écrit dans sa dernière lettre à son mari : « Je meurs pour ce pour quoi nous avons lutté, j’ai lutté ; tu sais comme moi que je n’aurais pas pu agir autrement […] : on ne se change pas. »
Son biographe a réuni de nombreux témoignages, lettres et archives judiciaires pour recomposer le destin de cette héroïne discrète seulement reconnue « déporté résistant » – au masculin – en 1956, après de longues tractations de sa famille. Alain Quella- Villéger dresse le portrait d’une pasionaria émouvante, d’une France courageuse et patriotique. France Bloch-Sérazin. Une femme en résistance (1913-1943) par Alain Quella-Villéger, 256 p., Des femmes-Antoinette Fouque, 18 €