Lire

3 QUESTIONS À… VINCENT MONADÉ

Directeur du Centre national du livre (CNL) depuis 2013, Vincent Monadé réagit à l’enquête de Lire sur les Français et la lecture.

- Propos recueillis par Hubert Artus

Quelle est votre première réaction à cette enquête ?

• Vincent Monadé. J’ai coutume de dire que chaque Français a un manuscrit dans ses tiroirs et qu’il y a autant d’écrivains que de sélectionn­eurs de l’équipe de France de football. Cela se confirme ici. Je trouve étonnant, en revanche, qu’ils soient 9 % à avoir acheté un livre issu de l’autoéditio­n. Certes, je n’ignore pas que cette dernière a un public, mais que ce soit dans une telle proportion, c’est effectivem­ent surprenant. L’autoéditio­n, ce secteur sur lequel nous ne disposons pas de statistiqu­es, échappe un peu à la règle des instrument­s dont on dispose à ce jour. Cela confirme en tout cas qu’il faut aller voir ce qu’il s’y passe, afin de dénicher des talents pour l’édition traditionn­elle. Que vous inspirent les statistiqu­es sur les genres privilégié­s ?

• V.M. Quand ils veulent écrire, les gens s’orientent vers les genres qu’ils aiment. Les chiffres me paraissent fidèles à cette idée. La catégorie « Témoignage » doit comporter une grande majorité d’autobiogra­phies. Ce qui confirme tout ce que Philippe Lejeune avait souligné avec son travail sur les journaux intimes : on pourrait croire qu’il s’agit là d’une pratique très datée « xixe siècle », mais elle a bien changé avec l’émergence des blogs et des skyblogs [N.B. : plus gros réseaux sociaux avant la naissance de Facebook]. Ce genre a toujours existé, et la proportion indiquée dans votre étude ne me surprend donc pas. En revanche, le faible score obtenu par la poésie m’étonne. La plupart des gens pensent qu’il n’est pas facile de se faire publier : quelle est la réaction du CNL ?

• V.M. Bien sûr, par rapport à la masse des manuscrits reçus, parvenir à se faire éditer reste une entreprise difficile. Malgré tout, en France, on publie encore beaucoup de textes arrivés par la poste, et pas seulement des ouvrages qui ont été pistonnés. Les textes reçus sont encore lus, et les maisons d’édition, celles qui sont sérieuses, ont toutes des comités de lecture et des mécaniques de sélection des textes. Comme vous le savez, beaucoup de premiers romans sont publiés car il subsiste une curiosité permanente à l’endroit des jeunes auteurs, un attrait qui ne s’est jamais démenti. Il faut donc dire aux gens : même si vous pensez que c’est dur, n’hésitez pas à envoyer vos manuscrits. Même si vous devez essuyer vingt ou trente refus. Regardez le nombre de grands écrivains qui en ont subi plusieurs…

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France