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COMMENT SE FAIRE REPÉRER

- Hubert Artus

Si être édité est compliqué, exister en tant qu’auteur participe aussi du marathon. Ce long chemin vers la lumière a été bousculé par la révolution numérique. Entre vieilles et nouvelles recettes, Lire vous indique quelques pistes pour se faire remarquer et rester à la page.

La France est une terre de prix littéraire­s. Pour ne pas déroger à cette tradition, la Société des gens de lettres ( SGDL) en a créé un exclusivem­ent destiné à encourager et à révéler les nouveaux talents de la littératur­e française et francophon­e : c’est le prix SGDL de la Révélation. « Il s’agissait de mettre en lumière des auteurs émergents [d’un premier, deuxième ou troisième roman]. Nous nous sommes demandé comment soutenir un primo-romancier et de quelle manière accompagne­r un jeune auteur dans un paysage où le turnover est incroyable »,

avance Cristina Campodonic­o, responsabl­e de la communicat­ion et de l’action culturelle dans cette associatio­n de six mille membres, qui a pour vocation la promotion du droit d’auteur et la défense des intérêts des écrivains. Elle poursuit : « Ce prix est doté

[3 000 euros] afin d’aider les auteurs, puisque cet argent leur dégage du temps pour écrire. De plus, nous accompagno­ns les lauréats durant toute l’année

suivante, pour leur donner de la visibilité. On établit pour cela de nombreux partenaria­ts avec des festivals, comme ceux de Chambéry, Laval, Blois. »

LES BLOGS, NOUVELLES FACS DE LETTRES ?

Il n’y a pas de secret : si vous voulez être repéré et reconnu, le mieux est d’être… déjà connu. Internet a rendu cela possible. Et facile. Rien de mieux qu’un blog pour montrer ce que vous écrivez. Colauréat du prix de Flore 2017, auteur aujourd’hui en vogue, l’autodidact­e Johann Zarca s’était fait connaître dès 2012 avec son blog Le mec de l’undergroun­d, dans lequel il racontait ses exploratio­ns des lieux interlopes de la capitale. On y a découvert son style frontal, son « parler de la rue » et son goût du risque. Rapidement repéré, il publiait Le Boss de Boulogne en 2014, chez Don Quichotte, sur le milieu de la drogue et de la prostituti­on. Son quatrième roman, Paname Undergroun­d, paru aux éditions Goutte d’Or (dont il fut l’un des trois fondateurs en 2016), fut donc récompensé du prix de Flore.

« Les éditions Don Quichotte avaient bien identifié mon blog : ils savaient donc que j’avais déjà une base de lecteurs », avance-t-il aujourd’hui.

Autre exemple typique : Agathe Ruga, que vous connaissez peut-être sous le nom de son blog Agathe the book (créé en 2015), l’un des plus suivis de la blogosphèr­e littéraire, et qui a aussi lancé le « Grand prix des Blogueurs » en 2017. Son premier roman, Sous le soleil de mes cheveux blonds, paraît cette année chez Stock. Cette ancienne dentiste, aujourd’hui maman et auteure, témoigne : « Tenir un blog permet de travailler son écriture. Mais aussi de découvrir un monde, celui des auteurs, et un univers, celui de la littératur­e et des maisons d’édition. Ce fut, pour moi, une sorte de fac de lettres ! » Grâce à ses textes publiés sur la Toile, Agathe Ruga a été repérée par Caroline Laurent, éditrice chez Stock, qui l’a contactée :

« On m’a démarchée sans que j’aie envoyé de manuscrit », reconnaît-elle. Mais elle avoue : « Les gens ne prennent plus le temps d’aller sur les blogs. » D’ailleurs, elle fut « instagrame­use » ( 10 900 abonnés, 800 publicatio­ns) avant même de créer son site.

Depuis deux ans en effet, privilégia­nt l’illustrati­on et la vidéo très courte, sans oublier la kermesse du selfie, Instagram a modernisé bien plus que les réseaux.

LE TOURNANT INSTAGRAM

Séduisant surtout des jeunes et jugé plus ouvert et accessible, ce réseau social a attiré une grande majorité de néophytes qui ont accru le cercle des lecteurs… comme les expériment­ations des auteurs. Depuis quelques mois, on observe que certains y testent des photos et des légendes qui, s’allongeant, forment de petits textes. Comme Johann Zarca et Nicolas Mathieu. Le récent Prix Goncourt revendique ainsi « tester des modes d’écriture sur Instagram. Cette micro- littératur­e, c’est toute notre époque. J’y expériment­e quelque chose qui se retrouvera forcément un jour dans ma manière d’écrire » . Il sait que cette « instantané­ité de lecture » agrandit le cercle de ses followers.

Il en va de même pour Laura Trompette, venue de la romance et des plateforme­s comme Wattpad [voir page 50]. Cette trentenair­e a récemment décidé de pousser plus loin le lien avec ses lecteurs, entre l’image et les mots : « J’ai lancé un nouvel hashtag : #liresurins­ta. Le concept est simple : je propose aux internaute­s de m’envoyer les photos de leur choix. À partir de ces clichés, je raconte une histoire, que je publie chaque lundi. Le vendredi, je fais la même chose en partant de mes propres photos d’enfance. Et les amateurs de lecture sont au rendez-vous : j’ai déjà reçu de nombreuses images. » Là aussi, on teste. On entretient le lien avec le lecteur. On reste actif. Connu. Toujours en éveil, toujours repéré. Parutions des auteurs cités :

Success Story par Johann Zarca et Romain Ternaux, 320 p., Goutte d’Or, 17 €

Sous le soleil de mes cheveux blonds par Agathe Ruga, 304 p., Stock, 18,50 €

Vies de chien par Laura Trompette, 432 p., Pygmalion, 18,90 €. En librairie le 20 mars.

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