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À L’ÉCOLE DES ÉCRIVAINS

Après avoir été longtemps méprisés, les ateliers d’écriture made in France ont enfin le vent en poupe. Le symbole d’un paysage littéraire français en pleine mutation, mais surtout le signe que l’attachemen­t au livre et à la chose écrite perdure.

- Léonard Desbrières

Peut- on apprendre à devenir écrivain ? La question demeure bien épineuse en France. Fidèles à nos traditions et à nos grandes figures comme Victor Hugo ou Rimbaud, nous avons toujours fait du génie la seule voie véritable vers la grande littératur­e. Dans l’imaginaire français, on naît écrivain, on ne le devient pas.

LE SUCCÈS DES ATELIERS

Dans ce contexte, les ateliers d’écriture ont toujours peiné à trouver leur place et à s’imposer comme de réels tremplins vers la littératur­e. Tout le contraire des États-Unis où le rapport à l’écriture est depuis longtemps déjà totalement décomplexé. Des centaines d’ateliers d’écriture forment les écrivains de demain et certaines master class accueillen­t même en leur sein des monstres sacrés du roman qui désirent affûter toujours un peu plus leur plume. En témoigne le programme d’écriture créative de l’université de l’Iowa, peut-être le plus renommé de tous, qui compte parmi ses diplômés pas moins de dix-sept prix Pulitzer, dont Philip Roth et son inoubliabl­e Pastorale américaine.

De quoi faire changer la France d’avis ? Il semblerait. Depuis quelques années, le vent a tourné et l’apprentiss­age de l´écriture n’est plus un sujet tabou. L’offre d’ateliers d’écriture se développe partout et séduit un public de tout âge désireux d’apprendre les rudiments de l’écriture fictionnel­le et poétique. Si peu d’entre eux avouent participer à ces enseigneme­nts pour devenir des écrivains de profession, beaucoup conservent toutefois secrètemen­t l’espoir de rédiger, un jour, un manuscrit susceptibl­e de séduire les éditeurs. Le déroulemen­t de ces ateliers d’écriture est assez simple. Encadrés par un professeur, souvent un écrivain qui a fait ses preuves, les élèves rédigent un texte sur un thème donné avant de le lire devant leurs camarades. Un moyen de se confronter au regard critique des autres et d’échanger pour progresser. Tout est sujet à débat : le style, bien entendu, mais aussi le vocabulair­e, la ponctuatio­n, la syntaxe. On est de retour sur les bancs du lycée !

LE PRIX DE LA GLOIRE

Des écoles dont les prix peuvent certes heurter. Apprendre à écrire n’est pas donné. Si la plupart des établissem­ents comme Aleph, les ateliers Emmanuel Bing ou Les Mots font osciller leur tarif entre 15 et 30 euros de l’heure selon les forfaits choisis, la note peut rapidement grimper. Pour ceux qui aspirent à l’excellence de la maison Gallimard, par exemple, les Ateliers de la NRF facturent 1 500 euros les 24 heures de cours aux côtés d’écrivains prestigieu­x comme Camille Laurens ou Serge Joncour, soit 62 euros de l’heure. Le prix du succès ? On vous laisse seul juge.

Signe ultime de la nouvelle respectabi­lité des ateliers d’écriture, les masters de création littéraire fleurissen­t dans les université­s françaises. Des cursus de plusieurs années pour les plus déterminés à vivre de leur plume. Avant Paris-8, l’université du Havre fut la première à avoir inauguré son master d’écriture créative et les demandes affluent de toute part. Sur le site, on peut lire en toutes lettres : « Métier visé : écrivain. » Qui a dit qu’en France on ne changeait pas d’avis ?

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Atelier d’écriture aux éditions Gallimard.

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