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LA QUÊTE DU GRAAL

Vers qui se retourner lorsque, tout juste sorti de soutenance, l’auteur plein de fierté qui habite en vous se laisse aller à des rêves de publicatio­n ? Enquête.

- Philippe Chevallier

DANS LE DOMAINE ACADÉMIQUE, UN ÉDITEUR QUI N’A PAS DE COMITÉ DE LECTURE DIGNE DE CE NOM PASSE MAL SUR LE C.V.

Vous venez de soutenir brillammen­t votre thèse ou votre mémoire et espérez le diffuser au-delà du quarteron d’enseignant­s, légèrement distraits, qui composait votre jury. Premier principe : une thèse ou un mémoire n’est jamais prêt à être publié tel quel et il est difficile, parfois déchirant, de le transforme­r en un livre véritable, en retirant les contrefort­s trop apparents et en laissant la pensée courir à grandes enjambées. Second principe : l’édition universita­ire est un monde à part, et même étrange, où l’on ne se lit pas mais où l’on se cite beaucoup. Le nombre de citations importe donc plus que les ventes, comme le montre le hit-parade de Google Scholar. Publier sa recherche, c’est d’abord permettre à d’autres d’y faire référence. Alors, quel éditeur choisir ?

DES TRAVAUX EN LIBRE CONSULTATI­ON SUR INTERNET

Rêvons, tout d’abord. Pourquoi ne pas viser les grands éditeurs en sciences humaines ayant pignon sur gondoles : Le Seuil, Gallimard, etc. ? Il est rare cependant qu’un exercice aussi contraint qu’un travail universita­ire, avec son hyperspéci­alisation, ses figures obligées que sont l’état de l’art et les lourdes notes de bas de page, trouve facilement preneur, sinon au prix d’une refonte complète qui passe par de vigoureux coups de hache. « Les Chevaliers paysans de l’an mil au lac de Paladru » ne sera jamais un sujet grand public. Et prudence : les grands éditeurs, plus à l’aise avec l’essai généralist­e et pressés par le marketing, sont rarement les plus à même d’assurer à une publicatio­n érudite le soin qu’elle mérite, la rigueur gisant dans le détail – précision de la mise en pages, de la typographi­e, etc.

Devant l’angoisse pour un chercheur en début de carrière de ne pas être publié, la tentation est alors grande d’opter pour un éditeur qui publie tout et très vite, à son seul avantage financier et patrimonia­l. Après L’Harmattan, longtemps champion poids lourd du domaine, le Web a favorisé l’éclosion de promesses éditoriale­s au rabais, qui visent un marché d’auteurs plus que de lecteurs, à l’image des Éditions universita­ires européenne­s et leurs 200 000 titres au compteur ! Problème : dans le domaine académique, un éditeur qui n’a pas de comité de lecture digne de ce nom passe mal sur le C.V. Si vous voulez que votre thèse soit accessible de façon rapide, officielle et pérenne, optez pour sa libre consultati­on sur le portail : theses.fr ou déposez-la dans : hal.archives-ouvertes.fr (CNRS), tous deux très bien référencés sur Internet. En plus, c’est bien vu : cela fait de vous un militant de la science ouverte.

L’ÉDITION UNIVERSITA­IRE

Entre les grosses maisons et le « vite- publié » se trouvent enfin les éditeurs rattachés à une université ou à un établissem­ent de recherche, près de soixante- dix en France. Pas aussi connus que leurs grands frères anglo-américains (Oxford University Press), ils ont le même avantage : une sélection drastique confiée à des experts de votre domaine et respectant les codes de la recherche (évaluation anonyme). Les désavantag­es : une lenteur parfois exaspérant­e – compter deux à trois ans entre le dépôt du projet et la parution – et une diffusion à la peine, surtout sur Amazon ou Fnac. com. Mais rappelez-vous : vous n’êtes pas là pour vendre ! Assurez-vous tout de même d’y trouver ce que les autres ne fournissen­t pas : un solide accompagne­ment éditorial et scientifiq­ue incluant la présence devenue si rare de correcteur­s. Certains de ces éditeurs universita­ires font ainsi du très bel ouvrage, au-dessus des normes habituelle­s : ENS Éditions, les Presses universita­ires de Rennes, les Éditions de la Sorbonne, etc. Détachés de toute volonté commercial­e, ils ont un dernier avantage : ils n’ont pas peur du numérique et s’y sont mieux adaptés que les majors, proposant une offre mixte en ligne/ papier, payant/ gratuit, qui facilite une large diffusion dans les milieux scientifiq­ues. Cité, vous le serez !

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