Mortel dérapage
Toujours au meilleur de sa forme et « pas dupe » de ses personnages, Yves Ravey livre un roman où rythme et subtilité font merveille.
Le dix- huitième livre d’Yves Ravey, publié chez Minuit depuis le Bureau des illettrés en 1992, démarre sur les chapeaux de roues. Comme une Série Noire vintage remodelée par l’auteur de L’Épave et de Bambi Bar. Lequel plante son décor sous les sunlights de Californie et s’amuse à jouer avec les clichés. Le narrateur de Pas dupe, Salvatore Meyer, est réveillé par un appel de la police. Sa femme, Tippi Meyer, vient de trouver la mort au petit matin dans un accident de la route. Au volant de l’élégante berline blanche à la ligne sportive et au moteur puissant, offerte par son père pour ses 20 ans. L’engin, qu’elle conduisait fougueusement, a raté un virage et a fini au fond d’un ravin. Mme Meyer, blonde platine au profil de star, avait l’habitude de sortir danser dans les night-clubs, de jouer au billard et de forcer sur la vodka. Elle se chamaillait souvent avec son époux et avait pris un amant. Un certain Kowalzki, agent d’assurances à la compagnie Pacific. La belle venait de quitter précipitamment la maison avec piscine du couple à Acton, près de la réserve animalière, avec son foulard
et son chemisier blanc. Précisons que les Meyer hébergeaient chez eux Bruce Cazale. Lequel se trouve être à la fois le père de Tippi et le patron de Salvatore. M. Cazale dirige une société de démolition industrielle, recyclage, désamiantage, sciage béton et génie civil. Il ne semble pas tenir en haute estime son gendre, qui occupe un poste de surveillant de chantier. OPINIÂTRE INSPECTEUR L’inspecteur Costa Martin Lopez, policier manifestement opiniâtre à l’accent espagnol, ouvre l’enquête dans le comté de Los Angeles afin de chercher à y voir plus clair. En vérifiant les emplois du temps, en confrontant les témoignages et les versions des faits. En essayant aussi de savoir ce qu’est devenu le collier de perles de la victime. Salvatore, lui, reste fermement campé sur ses positions. Et maintient à qui veut l’entendre qu’il aimait sa femme, malgré tout…
Avec Yves Ravey, on sait qu’il faut s’attendre à des dérapages, des retournements. À se faire balader par un conteur impeccable qui tient la note jusqu’au générique finale.