Le pasteur et la Révolution
Marqué par l’histoire de son pays, le cinéaste et romancier chinois Dai Sijie revient à l’écriture dans ce roman tiré de la vie de son grand-père. .
Près de vingt ans après Balzac et la Petite Tailleuse chinoise,
succès mondial inspiré de son expérience pendant la Révolution culturelle, Dai Sijie relate, dans L’Évangile selon Yong Sheng,
l’existence exceptionnelle et tourmentée de son grand-père, l’un des premiers pasteurs chrétiens de Chine.
Au début du xx e siècle, dans un village proche de Putian, ville du sud-est de la Chine, le maître charpentier Yong célèbre la naissance de son fils auquel une vieille aveugle a promis, en l’auscultant, un « destin peu ordinaire ». « Il s’appellera Yong Sheng. Sheng, c’est le son. Ce sera un hommage aux sifflets de son père. »
Le petit Yong grandit choyé, dans un univers sonore avant d’être visuel, entre le vrombissement de l’atelier de son père et la mélodie des sifflets pour colombes que ce dernier fabrique et qui ont forgé sa réputation dans la province du Fujian. À 5 ans, Yong Sheng est placé chez un pasteur américain, dont la fille Mary le sensibilise à la foi chrétienne ; mais un accident le contraint à retrouver son village natal où il est marié de force à la jeune Heling, pour obéir à une vieille croyance populaire. Au printemps 1931, il retrouve par
hasard le pasteur Gu, qui l’encourage à rejoindre la faculté de théologie de Nankin. « Ce n’est peut-être pas tout à fait un hasard si celui qui sera le premier pasteur chinois de Putian est le fils d’un charpentier. » Mais le contexte troublé que connaît alors la Chine, marqué par l’occupation japonaise, l’avènement de la République populaire, puis les prémices de la Révolution culturelle, entraîne bientôt Yong Sheng, comme des millions de ses concitoyens, dans le tourbillon irrésistible de l’Histoire.
LES VOIES DE LA FOI
À travers ce récit où la destinée d’un individu se conjugue à l’histoire du xx e siècle, Dai Sijie offre une nouvelle démonstration de son prodigieux talent de conteur et de son regard unique porté sur les transformations de son pays natal. Le parcours de Yong Sheng, jalonné de signes et d’autant d’épreuves, permet d’explorer les voies multiples pouvant mener à la foi et les façons tout aussi diverses dont celle-ci peut s’exprimer. À la rudesse du sort de son personnage, l’auteur oppose la délicatesse d’une plume aussi envoûtante que la mélopée des colombes virevoltant dans l’azur du Fujian.