Instants volés
Le romancier publie un recueil de textes courts rapportant des saynètes observées dans la rue, les trains ou ailleurs. Arnaud Cathrine, le pickpocket des lettres ?
Paru il y a plus de vingt ans (ce qui ne rajeunira personne), le premier roman de Cathrine s’intitulait Les Yeux secs. Sans être ophtalmologiste, on peut affirmer que ça ne lui cause aucun problème de vue. Avec J’entends des regards que vous croyez muets, il se montre une fois encore fin observateur de la société contemporaine, de ceux qui la peuplent et de ce que tous essaient de cacher pour sauver la face. Qu’il évoque un couple aperçu à la terrasse d’un café, une famille syrienne ou une vieille
femme fardée qui tente de frauder dans un train pour Deauville, rien ne lui échappe – et il en tire des récits brefs et secs, des « microfictions », comme dirait Régis Jauffret.
« TYPIQUEMENT UNE PEAU À CANCER »
Ceux qui suivent Cathrine seront surpris par un changement : derrière son air éternellement juvénile, il a fêté ses 45 ans et avoue ici et là un vieillissement. Ça lui va bien au teint, si l’on en croit les notes d’humour qu’il se permet plus volontiers, comme ce passage dans lequel il commente le livre Soignez-vous par le vin du docteur Maury ou cette scène étrangement cocasse où, pour lui remonter le moral, une pharmacienne lui dit qu’il a « typiquement une peau à cancer ». Il touche quand il parle de Sagan, et de la Normandie, où il passe de plus en plus de temps. Dans un texte, il se compare à un taxidermiste. Confiez-lui vos peines et autres secrets : il en fera une belle nouvelle empaillée pour l’hiver.