Instincts de survie
Il ne faut pas se fier au doux regard de Sandrine Collette. Son dernier roman, sauvage et magistral, explore l’animalité de l’espèce humaine.
Animal est un titre court, celui d’un livre qui en dit long, résumant et approfondissant plusieurs obsessions de son auteur depuis sept ans et autant de romans. Avec Sandrine Collette, nous avons croupi au fond d’une cave dans un huis clos infernal ( Des noeuds d’acier), avant de faire les vendanges en Champagne (Un vent de cendres), d’arpenter les hauts-reliefs albanais sur fond de morts en série (Six fourmis blanches), d’aller en Patagonie au début du xxe siècle ( Il reste la poussière), sans oublier quelques escapades rurales plus ou moins dystopiques (Les Larmes noires sur la terre, Juste après la vague).
COMBAT À TROIS BANDES
À force de traiter de lieux si lointains et si proches à la fois, Sandrine Collette a fini par se fondre dans le paysage du polar hexagonal. Situé à l’époque actuelle, Animal, son nouveau roman, nous balade entre Népal et Kamtchatka, entre villes et toundra, mais surtout entre la vie, la prédation et la mort. Un prologue nous présente Mara, trentenaire népalaise, orpheline et mariée de force à 14 ans. Vivant pauvrement dans la jungle montagneuse, elle trouve deux enfants abandonnés (Nun, le garçon, et Nin, la fille) en allant relever ses collets à gibier. Elle les recueille et s’enfuit avec eux. Que faisaient-ils là ? Pour saisir la mesure et la puissance de cette intrigue, il vous faudra frôler la mort. Ou plutôt celle de Lior, venue chasser dans la montagne du Kamtchatka avec son compagnon et d’autres touristes. De la traque aux ours à la traque entre chasseurs : du sang, des morts et une narration saisissante du combat à trois bandes entre l’homme, l’animal et la nature. L’un des protagonistes, ayant tutoyé la mort et survécu miraculeusement, décide de retourner au Népal pour retrouver ses racines. Nous croisons alors un enfant abandonné quinze ans avant, et qui continue à espérer.
Quand la mémoire s’autocensure, seule une réalité violente peut la rouvrir. C’est ce principe actif qu’agite le roman, habilement servi par le récit naturaliste, le polar tendance résilience, l’éternité du lien entre deux enfants abandonnés et, enfin, le conte sur la rageuse animalité qui est en nous. Une littérature capable de faire résonner ces forces q u i , comme le monde, sont plus grandes que nous.