Mon amie la mort
Parler de la Grande Faucheuse pour mieux célébrer la vie, voici le pari réussi du nouveau roman de Maggie O’Farrell.
La narratrice du formidable huitième livre de Maggie O’Farrell lui ressemble comme une soeur. Écrivaine à l’instar de l’auteure de Assez de bleu dans le ciel et de Quand tu es parti, elle a décidé de mener à bien un projet littéraire pour le moins original. Raconter la vie de quelqu’un uniquement à travers ses expériences avec la mort. Les différents chapitres du volume forment à la fois un puzzle et un autoportrait. Le lecteur y accompagne une femme qui a passé son adolescence dans une petite ville de bord de mer où les jeunes attendent « que quelque chose s’arrête, que quelque chose commence ». À 18 ans, elle ne connaissait presque rien à l’existence, mais avait un don pour sentir la
violence. Comme ce jour où elle se promenait sur un sentier et a croisé un inconnu avec des jumelles… Voici quelqu’un capable de tout plaquer pour partir faciliter la vie des autres, porté par une pulsion de liberté. À l’époque où elle était serveuse le soir dans un hôtel pour golfeurs et rêvait de sortir de la routine, elle est tombée à l’eau, a été emportée par le courant et s’en est sortie de peu. Plus tard, il lui est arrivé de croire qu’elle n’était pas sur la bonne trajectoire et de prendre un billet d’avion pour Hong Kong. Les secousses n’ont jamais manqué dans son parcours. Au Chili, un homme armé d’une machette l’a agressée. Un lanceur de couteaux aux yeux bandés, lors d’un festival, a frôlé dangereusement son corps. Il lui a fallu une sacrée force pour affronter un accouchement compliqué. Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort, dit-on. La prose de Maggie O’Farrell est ici aussi poétique que puissante. I am, I am, I am parle magnifiquement de la peur et des tâtonnements. On le traverse et on le referme avec une même et vive émotion.