Compte à rebours
Borja González mêle passé et présent dans un album mystique et évanescent sur la musique, la mélancolie et la rébellion juvénile.
Oui, Borja González aime les spectres ! On devrait d’ailleurs bientôt lire sa série de récits sur les fantômes, déjà testée en version numérique ( The Unseen Reccords). Mais ce qu’il nous offre ici va plus loin. En effet, l’histoire qu’il nous raconte est elle-même fantomatique et, plus encore, son dessin. À commencer par la manière dont il dessine les silhouettes de ses personnages – quand il ne s’agit pas d’un squelette – sans visage et sans mains. Face à cela, le lecteur est autorisé à se dire qu’on va lui vendre terreur et tremblement. Mais c’est tout le contraire. Il y a bien dans The Black Holes des moments de crise, à vrai dire plutôt de l’ordre de ces embrouillaminis d’adolescents auxquels on donnait naguère le nom fleuri de « crise de nerfs ». Ce n’est pas que les personnages ne souffrent pas, mais ce
qu’il y a de certain, c’est qu’ils ne meurent pas. Le squelette susmentionné, seul personnage macabre, a du vague à l’âme : « Tu n’es pas mort, n’est-ce pas ? lui demande Teresa. — J’espère bien que non », répond-il.
Pour le reste, la comédie humaine dans laquelle nous sommes plongés n’est composée que de femmes, cinq d’un côté, trois de l’autre. Les premières vivent en 1856, dans une atmosphère à la Brontë, les secondes en 2016, et veulent créer un group punk (s’appellera- t- il The Unseen ?…). Entre ces deux groupes circulent des papillons rouges et des textes obscurs que Teresa enfouit, en 1856, dans une boîte à bonbons retrouvée cent soixante ans plus tard par Laura. Vous suivez ? Peu importe, plongez- vous dans la lecture de cet album hypnotique et crépusculaire, hanté par Edgar Poe et Alan Vega.